Institut recherche jacquaire (IRJ)

Quitter l'abri du dolmen


Rédigé par le 15 Novembre 2015 modifié le 1 Février 2024
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L'ACIR a coopéré avec la Société des Amis de Saint-Jacques pour constituer le dossier d'inscription. La mission qui vient de lui être confiée entérine un rôle qu'elle a toujours cherché à jouer. Elle n'a pas rédigé le texte des plaques de marbre mais elle a pris en charge leur diffusion, négligeant l'ambiguïté de la décision. Les nouvelles exigences de l'UNESCO provoquent l'embarras des responsables français. L'ACIR est entraînée dans la fuite en avant et doit modifier son discours.



Un discours embarrassé

Depuis 15 ans le discours de l'ACIR est clair, gravé, sur le marbre et dans les esprits, les Chemins de Compostelle en France sont inscrits au Patrimoine mondial.
Son nouveau site propose une page intitulée
LES CHEMINS FRANCAIS DE COMPOSTELLE AU PATRIMOINE MONDIAL
indiquant : Cette inscription ne concerne pas les itinéraires en tant que tels

La source de l'embarras est  dans l'arrêté du ministère de la Culture désignant un ...
 ... préfet coordonnateur [ ... ] pour la mise en œuvre du plan de gestion du bien « Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France » et de sa zone tampon ...  
Il n'est plus question de chemins, mais de gestion d'un ensemble composite désigné par le même nom « Chemins ». Comment définir la zone tampon d'un tel bien ? Qui plus est, les chemins inscrits ne sont plus " en France " mais dans un nombre limité de régions ce qui ne peut manquer de poser des problèmes.
L'article Compostelle en quatre temps a déjà présenté ces questions. Merci de vous y reporter.
Se posent deux nouvelles questions : pourquoi le site introduit-il les termes " voies symboliques " pour désigner les quatre principaux chemins dont la réalité contemporaine est incontestable ? Qu'en est-il de leur Valeur Universelle Exceptionnelle (VUE)  des chemins dont le rapport périodique du 17 décembre 2014 dit :
2.1 - Déclaration de Valeur universelle exceptionnelle /
Une proposition de déclaration de valeur universelle exceptionnelle rétrospective a été soumise au centre du patrimoine mondial en 2012. Cette proposition est toujours en attente de validation par le Comité du patrimoine mondial.

Une erreur de diagnostic

Ce protocole est une nouvelle étape dans ce que notre Lettre d’information du 3 février a dénommé « acharnement thérapeutique ». Elle nous a valu le témoignage d’un expert qui a vécu la naissance de l’inscription des chemins de Compostelle en France.

Un témoignage d’expert

Les tronçons et les Monuments sensés jalonner les chemins de Compostelle en France, ont été inscrits en 1998 sans toujours de fondement scientifique avéré car à l’époque de leur inscription les exigences d’intégrité et d’authenticité étaient beaucoup moins poussées qu’aujourd’hui.
Les élus, et c’est tant mieux, ont découvert les avantages d’une inscription au patrimoine mondial, en terme d’image nationale et internationale et partant d’un développement territorial axé sur la préservation et la mise en valeur de ce bien, héritage universel à transmettre, propriété non pas de quelques-uns mais de tous, y compris au-delà des frontières nationales.
La condition au maintien sur la liste est une gestion effective, qualitative et consensuelle des biens inscrits, appréciés par des évaluateurs étrangers à la France, et les chemins de Saint Jacques ne peuvent constituer une exception à ce principe international, d’où les mesures qui sont prises pour tenter d’y apporter une réponse appropriée.

Un livre pour bien comprendre ce témoignage

Quitter l'abri du dolmen
Paru en 2010, cet ouvrage a démonté le mécanisme de l’inscription et montré que les arguments présentés par la France ne reposaient pas sur des bases scientifiques. La majorité des édifices présentés comme représentatifs des chemins de Compostelle n’a rien à voir avec le pèlerinage galicien.

Ce livre devrait être lu par tout nouvel intervenant appelé à travailler sur ce dossier. Mais la plupart restent avec les connaissances historiques des années 1950 et prennent pour argent comptant les informations souvent fantaisistes présentées à l'UNESCO en 1997. Certains sont même encore persuadés que l'inscription aurait pu porter sur 800 monuments. La Fondation est parfois interrogée par ceux qui les cherchent encore.

Des jalons sans rapport avec Compostelle

A-t-il vu des pèlerins avant 2000 ?
A-t-il vu des pèlerins avant 2000 ?


Sur les 71 jalons retenus en 1998, 12 sont cités par le Guide du pèlerin, 6 ont vu un pèlerin historiquement attesté, 13 ont un lien artistique ou légendaire avec Compostelle. Restent 40 monuments sans rapport avec Compostelle parmi lesquels le dolmen de Pech-Laglaire à Gréalou dans le Lot.

Un témoin de l’acharnement thérapeutique

Une restauration exemplaire ?
Une restauration exemplaire ?
Au lieu de laisser ce dolmen mourir de sa belle mort on l’a restauré d’une façon qui laisse pantois alors que le panneau d’information placé au bord du chemin annonce une restauration exemplaire. Comment la DRAC, l'Inrap et les autres organismes concernés ont-ils osé ce qualificatif en présence de cette  affreuse béquille ? Satisfait-elle les critères d'authenticité de l'UNESCO ?

Des acteurs à ne pas oublier

L'arrêté et le protocole restent dans la logique initiale définissant les chemins à partir de monuments balises. Elle a montré ses limites.
S’appuyant de ce fait sur les DRAC et leurs services, le ministère de la Culture oublie les milliers de membres des associations de pèlerins et marcheurs qui fréquentent ces chemins. Avec l'appui des collectivités locales et en lien avec la FFRP, ils en tracent de nouveaux et participent à l'entretien de leur balisage. Ils y organisent l’accueil et l’hospitalité en complément des prestataires commerciaux.
Ils assurent la promotion des chemins. La Galice l’a bien compris qui, en juin 2015, a invité à Compostelle les représentants de 340 associations de 33 pays pour les remercier de leur travail bénévole au service des chemins. Voir ici.
Les associations de pèlerins ont leur place dans la gestion des chemins en France.

Changer la prescription médicale.

L’inscription de 1998 a été bénéfique. Mais elle est dépassée. Les chemins de Compostelle répondent à un besoin de la société. Notre proposition est de sortir de cette question par le haut et non en s’enterrant sous un dolmen.
Arrêtons de chercher des zones tampons autour de biens matériels dont la majorité, comme le Mont Saint-Michel ou la cathédrale Saint-André à Bordeaux et plusieurs autres n’ont pas besoin d’un label supplémentaire « Compostelle » pour être appréciés, entretenus, gérés.

Par contre, certains biens, comme le gué de Quinquil, sur le dernier tronçon inscrit au Patrimoine mondial ou de petites infrastructures, comme des ponts ou des chapelles pourraient bénéficier d’une protection globale « au titre des chemins ».
Cependant, le vrai patrimoine, bien commun de toute l'humanité, la marche pèlerine, est un BIEN IMMATERIEL. Pour permettre à l’humanité d’en bénéficier, il faut en protéger les itinéraires. Ce sont bien les chemins qui sont premiers comme cela est gravé dans le marbre. Ce sont eux qui doivent être protégés pour que leur pratique reste possible. De nombreux expériences de terrain montrent que cela devient de plus en plus difficile. L’urgence est dans un plan de gestion des chemins. Elle ne peut être traitée sans mobiliser leurs propriétaires et ceux qui les parcourent. Elle ne le sera pas en continuant à les définir par des monuments. Docteurs changez d'ordonnance !


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