Les interrogations d'Henri Calhiol
Après délabrement de l’église fortifiée du Moyen Age, une nouvelle église a été construite en 1900 dans les murs demeurés intacts du castrum initial qui est ainsi destiné à traverser les siècles.
Dans l’enceinte du vieux village dans une rue antérieurement nommée « rue du Commandeur » (en référence au Commandeur de l’Ordre de Malte qui possédait à Mireval plusieurs biens bâtis et non bâtis) se trouve, à deux pas de l’ancien castrum, un étrange hôtel particulier certes modeste mais localement unique en son genre avec son entrée cavalière et son large escalier d’aspect monumental desservant deux étages. Au-dessous de cet escalier, en angle, on trouve un élément d’architecture « en forme de coquille » pointe en bas : les propriétaires en ont déduit, sans plus de preuve et peut-être un peu trop hâtivement, qu’il s’était agi là d’un relais d’étape pour les pèlerins en route pour Saint-Jacques-de-Compostelle. C’était d’autant plus facile qu’un document cadastral du milieu du XIXe siècle cite à plusieurs reprises un « chemin romieu » qui était jadis une voie de contournement du village et dont l’appellation renvoie à l’évidence à un passage de pèlerins.
Un document conservé aux Archives Départementales de Montpellier fait état de la donation par le Roi Louis XI en 1482, à Guillaume de Lacroix, son Intendant des Guerres, de son « hôtel et maison de Mirevaux » : pourrait-il s’agir du modeste hôtel particulier à la coquille ? Rien de l’indique mais on peut témérairement le supposer en l’absence dans le village d’autre immeuble pouvant correspondre à l’expression « hôtel et maison ».
Ceci posé, trois questions viennent à l’esprit :
- Avant d’appartenir au roi de France Louis XI, cet hôtel particulier a-t-il pu appartenir au Roi Jacques le Conquérant ? Et si oui, faut-il voir au travers de cette coquille un choix de ce dernier monarque qui avait, on le sait, une dévotion particulière pour saint Jacques ?...
- Si ce bien a appartenu à Louis XI, faut-il y voir la marque de son attachement au Mont Saint-Michel (il y fit trois pèlerinages), lui qui fonda l’Ordre du même nom dont le collier comportait, comme on le sait, huit coquilles « de Saint Michel » ?...
- Fut-ce une marque affichée par le donataire, Guillaume de Lacroix ? Ce dernier ne semble cependant pas avoir fait partie de l’Ordre de Saint-Michel. Avait-il fait, comme certains de ses contemporains, le voyage à Compostelle ?...
Mais une autre question mérite d’être tranchée : cette coquille était-elle ou non la marque d’un relais pour les pèlerins en route pour Saint-Jacques-de-Compostelle ou de retour et empruntant une variante du Grand Chemin d’Arles ? Ces pèlerins étaient-ils habituellement logés dans le plus noble des habitats des villages traversés ? On a peine à le croire…
Au-delà de toutes ces hypothèses qui soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses, ne s’agirait-il pas plutôt d’un simple élément décoratif d’architecture intérieure couramment rencontré et nommé « trompe» : « petite voûte formant support sous un ouvrage ou sous un pan de mur en surplomb et permettant un changement de plan à un niveau quelconque de la construction »1 ?
Henri Calhiol
1 Pérouse de Monclos, J.M., Architecture. Vocabulaire, Paris, Imprimerie Nationale, 1989.
Cabanot, J., Petit glossaire pour la description des églises, Talence, éd. Confluences, 1995.
Les commentaires de Denise-Péricard-Méa
L’hôtel particulier de Mireval existait peut-être au XVe siècle mais son aspect actuel le date plutôt du XVIIe siècle. Aucun autre document historique ne permet de répondre aux questions soulevées par notre correspondant. En revanche, sa dernière hypothèse est tout à fait pertinente, il s’agit bien d’un élément d’architecture dont la fonction principale est d’être un support mais qui peut en outre être utilisé à titre décoratif. Mais il est impensable qu’une telle trompe ait pu servir d’enseigne, puisqu’elle est placée à l’intérieur. De surcroît, il serait curieux qu’un tel hôtel particulier ait été utilisé comme auberge.
Il est curieusement dit que le chemin romieu, qui indique un passage de pèlerins contourne le village. Cela est peu cohérent avec l’hypothèse d’un accueil au cœur du village et renverrait plutôt à un lieu d’hospitalité situé comme souvent hors les murs.