Institut recherche jacquaire (IRJ)

Trouver des pèlerins de Compostelle dans les registres paroissiaux, étape 101


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 22 Mars 2021 modifié le 22 Mars 2021
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Les registres paroissiaux, dont l'initiative revient à des évêques sont les plus anciens documents source d'informations sur les dates importantes de la vie des individus. Les curés y enregistraient les naissances, mariages et décès. Ils devinrent progressivement l'Etat civil officiel du royaume. Magnifique outil pour les généalogistes ils sont également intéressants pour qui s'intéresse aux pèlerinages.

J.P. Herreau un de nos correspondants, pèlerin, nous a envoyé un bel exemple, objet de cette lettre.



Des mentions complémentaires dans les registres

Parfois, en complément des mentions d'Etat civil, les curés notaient tel ou tel événement extraordinaire ou inhabituel concernant la paroisse. Pour ce qui nous concerne, ce peut être le passage d'un pèlerin ou le départ d’un pèlerin depuis la paroisse. On trouve aussi des mentions de pèlerins décédés dans la paroisse au cours de leur pèlerinage.

Tout pèlerin mentionné sans destination n'est pas forcément un pèlerin de Compostelle. Mais c'est justement l'un d'eux que fait connaître l'extrait du registre envoyé par J-P Herreau que je tiens à remercier.

Il s’agit du registre paroissial de la commune de Nuillé-sur-Vicoin, en Mayenne, années 1594-1616. 
 
Extrait envoyé par J-P Herreau
Extrait envoyé par J-P Herreau

Que nous apprend ce manuscrit ?

Impossible à lire direz-vous.

Certes, mais J-P Terreau a envoyé la transcription faite par un de ses amis :
 

« Jehan Menand et Julienne Cegerot sa femme, Renée Gilbert fille de ladite Segerot et de feu Gilles Gilbert son premier mary, apres avoir fait le voiage a monseigneur St Jacques en Compostelle, ledit Menand partit pour aller faire le voiage de Romme gaigner le St Jubilé, lan Jubile 1600. Puis sen revenant vint encore gaigner ceuz d'orleans et sa femme et ladite gilbert allerent gaigner ceuz d'orleans. Et pour la seconde fois retourna ladite Segerot audit orleans et mena avec elle perine gilbert son autre fille et michel cochet son mary »

 

Voici le début de l'histoire : trois pèlerins, une femme Julienne Cergerot, son second mari Jehan Menand et Renée, sa fille du premier mariage, sont allés à Compostelle. La date n’est pas donnée, mais ce fut avant 1600 car, cette année-là, Jehan Menand est allé tout seul au Jubilé de Rome. 

Le manuscrit dit de lui :

... mary apres avoir fait le voiage a monseigneur St Jacques 
en Compostelle, ledit Menand partit pour aller faire 
le voiage de Romme gaigner le St Jubilé, lan Jubile ... (1600)
 
Pas besoin d’être paléographe pour savoir lire les registres. 
Leur lecture est facilitée car ils sont tous numérisés.

La numérisation permet d’agrandir les textes et l’œil s’exerce vite à retrouver des mots : pèlerin, voiage, monseigneur, St. Jacques, Galice, Compostelle…
 

Avec beaucoup d'attention et un peu d'habitude, il est possible de trouver sur ce registre les mots : St Jacques en Compostelle
puis de décrypter ou deviner les mots précédents : voiage a monseigneur 
pour lire : voiage a monseigneur St Jacques en Compostelle 

​Il est possible ainsi de proche en proche de trouver des pèlerins, après avoir détecté leur destination.


L’aventure pèlerine n’est pas terminée pour la famille de Julienne Cegerot. La suite du registre la raconte. Les trois pèlerins de Compostelle sont repartis, cette fois, pour Orléans. 213 km. Et, une fois revenue, Julienne a tenu à y retourner en emmenant cette fois sa seconde fille, Perrine et son gendre, Michel Cochet.

D'autres pèlerinages après Compostelle

Jehan était le seul représentant de sa famille à être allé à Rome pour le Jubilé, où lui était promis le pardon de ses péchés.  Le premier jubilé fut instauré à Rome en 1300 par le pape Boniface VIII, pour répondre aux besoins des fidèles et à l'image des années sabbatiques des Hébreux : il accorda le pardon des péchés à tous ceux qui viendraient prier à Rome. Mais il les institua avec un intervalle de 100 ans.

Ce pardon est manifesté par ce qu’on a appelé une « indulgence », correspondant à une réduction du temps de séjour au Purgatoire. Ces indulgences tant critiquées par les Protestants car, outre la satisfaction des fidèles soucieux d'assurer leur salut, elles répondaient aux besoins financiers de l'Eglise qui finit par en faire commerce. Elles ont survécu au Protestantisme, même si le mot « indulgence » n’est plus prononcé, ni comptabilisé en années gagnées au Purgatoire.

Le reste de la famille n'ayant pas bénéficié de l'indulgence du Jubilé est allé en pèlerinage à Orléans. Pourquoi ?
La réponse se trouve aussi dans le registre paroissial sous un titre impressionnant.

« Advertissement fort nécessaire et salutaire à la postérité »

« En l’an 1600 notre Saint-Père le pape Clément huitième donna, à la faveur et par la très humble prière et supplication du roi de France Henri quatrième un grand jubilé de très pleine rémission en l'église de Sainte-Croix d’Orléans à tous ceux et celles qui visiteront ladite église qui, longtemps auparavant avait été brûlée et du tout ruinée par les hérétiques, dont la teneur de la bulle s'ensuit :
 
LE GRAND JUBILE de très pleine rémission, le même qui se gagne à Rome en la présente année sainte, octroyé par notre Saint Père le pape Clément huitième en faveur du roi très chrétien Henri quatrième :
" À tous, fidèles chrétiens, tant dedans que dehors le royaume qui visiterons l'église cathédrale de Sainte-Croix d’Orléans.
A tous, fidèles chrétiens que ces lettres verront, salut et bénédiction apostolique (….) donnons très pleine indulgence et rémission de tous leurs péchés …. "  ».


L’écho à Nuillé-sur-Vicoin

Ils sont tous partis, les 213 kilomètres ne leur faisant pas peur. Le curé les a tous nommés, 4 prêtres et 5 pages et demie de noms des hommes, femmes, enfants, serviteurs. Dans la liste, Estienne Diguet, tailleur d’habits, et Renée Fouscher, sa femme « laquelle à cause de son infirmité ne peut parvenir jusques là, sed per eam non stetit, elle alla une partye du chemin puis fut contrainte de s’en revenir ».
 

« Voicy la liste et le mémoire de ceux et celles de cette paroisse de Nuillé sur Vicoing quy sont allez audit Orléans gaigner le st Jubilé tant en lannée mil six cens et un. Car les trois premiers mois expirez durant lesquels, byen que fust au fort de lhiver fâcheux et fort dificille tout le monde y alloit en grande foulle. Ledit saint Jubilé fut continué par novembre et décembre jusques à quinze jours après Pasques, le sixième jour du mois de may 1601. Car en cest année là le jour de Pasques estoit le vingt et deuxiesme jour du mois d’avril. Durant lequel tems se fist la plus grand’ et admirable devotion, solemnité qui se soit veue dans ce royaume de la mémoire des hommes d’alors. Et là se rangeoient hommes et femmes grands et petiz, jeunes et vieux de toutes parts tant de ce royaume que d’ailleurs avec telle foulle et abondance que cestoit chose grandement admirable. Premierement donc tous les prêtres habituez de l’église de ciens. …. »

Le jubilé devait se terminer le 12 février 1601, mais le roi obtint un prolongement de quinze jours après Pâques, puis un autre pour la même raison, accordé le 10 juillet dont on ne connaît pas la durée. 

Ce fut un succès, les fonds nécessaires ont été réunis. Le 18 avril 1601, le roi Henri IV  pose la première pierre de la nouvelle cathédrale. A la fin de son règne, l'ossature est terminée, et entre 1615 et 1620 elle est recouverte d'un comble dans lequel un espace vide est réservé pour le clocher.

Un exemple à suivre

J.P. Herreau nous a donné un excellent exemple d'exploitation d'un registre paroissial.
Il peut être suivi par tout pèlerin désireux de retrouver les pèlerins de sa commune qui l'ont précédé, ou qui y sont passés depuis l'édit de Villers-Cotteret qui a officialisé la tenue des ces registres en 1539.
 
Le registre envoyé par J.P. Herreau est accessible à la page suivante

Les registres paroissiaux sont conservés aux Archives départementales. Pour y accéder, aller sur le site des Archives du département choisi. Cliquer sur « Archives en ligne » puis sur « registres d’état-civil » puis choisir la commune (classées par ordre alphabétique).
Les listes des actes par commune sont longues, commençant généralement par les plus anciennes.

On juge parfois de l’intérêt d'une notice apportant d'autres informations que l'Etat-civil à ce qu’elle est différente de ses voisines, plus longue, ou dotée d’une annotation en marge. Tout dépend du scribe.
A la moindre difficulté (car les systèmes informatiques sont différents), il suffit de téléphoner aux heures ouvrables et il y a toujours une personne pour guider.
 
Vos trouvailles seront autant d’étoiles de la Galaxie Saint-Jacques. 
Un livre sera offert à chaque découvreur
d'un nouveau pèlerin,
nouvelle Etoile de la Galaxie.
***
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