Institut recherche jacquaire (IRJ)

Quels pieds ! étape n° 113


Rédigé par le 5 Juillet 2021 modifié le 5 Juillet 2021
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Cette tirade a été composée par Paulette Verquin, pèlerine de l'association des Amis de saint Jacques de Compostelle de la Charente.
Je l'ai rencontrée à l'issue d'une conférence donnée en Charente dans le cadre d'une opération de promotion des églises romanes du département, organisée par deux communautés de communes. La conférence avait été précédée d'une marche organisée par l'association qui participe à toutes les manifestations culturelles. Ce fut un grand plaisir de parler à un public comprenant un groupe de 35 pèlerins qui ont découvert avec intérêt les relations entre la légende de Charlemagne et le patrimoine roman de leur département.



Honorons nos pieds !

Paulette, pèlerine en 2006
Paulette, pèlerine en 2006


Paulette se présente : « Elle est partie pour Compostelle en 2006, seule, de sa maison près d’Angoulême, 1200 km en 52 jours. Ses pieds ne l’ont pas fait beaucoup souffrir, tellement elle les avait préparés depuis 2 ans en les frottant avec l’intérieur du citron consommé chaque matin. Elle milite depuis, dans l’association des amis de saint Jacques de la Charente.
 
Elle nous explique : pour nous les marcheurs, les pieds représentent notre outil de travail, ils méritent toute notre attention, chacun se remémore les massages le soir avec des crèmes parfumées embaumant les dortoirs. 
Sur le chemin, en veillée, quand le corps propre, les pieds détendus, les langues se délient, alors chacun y va de sa chanson, de son histoire. Elle enchantait ses compagnons jacquets avec sa tirade des pieds, 111 expressions avec ce mot, théâtralisé, avec une gestuelle appropriée ».

La tirade des pieds

Avons-nous le pied plat, le pied bot, souffrons-nous du pied d’athlète ou de cors aux pieds ? Bien sûr, nous n’avons ni les pieds palmés, ni les pieds nickelés, peut-être le pied marin ! Sautons- nous à pieds joints ou à cloche-pied ? Pratiquons-nous la course à pied ? Ce matin, nous nous sommes tous levés du bon pied, d’un pied léger et non d’un pied lourd ! Quand on pue des pieds ? Qu’est-ce qu’on fait ? On prend un bon bain de pied et on n’oublie pas de se masser la plante des pieds. Alors, propre, on s’habille de la tête aux pieds, en pied-de-coq ou en pied-de-poule, on rectifie son pied de col, on se sert de son chausse-pied et bon pied, bon œil, nous, les piétons, on est prêt à passer la rivière à pied sec : direction le Piémont ou, un peu plus près, Saint-Jean-Pied-de-Port.
 
 

Illustration P. B.
Illustration P. B.
Bien planté sur ses deux pieds, on n’est pas bête comme ses pieds, ni près d’avoir le pied dans la tombe, ni de partir les deux pieds en avant, alors on met le pied à l’étrier, et de pied en cap, et parfois pied à pied, on retombe toujours sur ses pieds, même quand on est mis à pied, sans sécher sur pied et sans être à contre-pied. Tous nous voulons avoir un pied quelque part, un pied-à-terre pour pouvoir mettre ses doigts de pied en éventail. On peut nous juger sur pied car parfois on se comporte comme des pieds ; par exemple pour trouver chaussure à son pied, que fait-on ? On se fait du pied près du pied de table, du pied de lit, ou du pied de vigne, en buvant dans un verre à pied, en mangeant des coquillages pousse-pied, des huîtres pied-de-cheval, des pieds paquets, des pieds de veau accompagnés de pieds-de-mouton, des pieds de cochon préparés avec des champignons pieds bleus, le tout cuit sur un trépied. Et qu’est qui se passe ? Nos va-nu-pieds glissent on est pieds nus. Plus besoin de cale-pied, de marchepied, de repose- pied, ni de chauffe pied, on se glisse sous le couvre-pied.

Pourtant on en fait des pieds et des mains quand on est aux pieds de quelqu’un. On l’attend de pied ferme, on part au pied levé, on ne sait pas toujours sur quel pied danser, on fait le pied de grue ! On a les pieds et les mains liés ! Il y en a qui nous coupent l’herbe sous le pied, d’autres qui nous marchent sur les pieds et même qui font des croche-pieds alors on voudrait être à cent pieds sous terre quand on a les deux pieds les deux mains dans la m…..

Mais miracle, on nous enlève une belle épine du pied quand on reçoit un bon coup de pied au c… ce n’est pas un pied-d’alouette, ni un pied-de-
biche, ni un pied à coulisse ni un pied de Bacau, ni un pied de barrique ni un pied-noir, ni un pied d’alu ni un valet de pied, on en a le nez en pied de marmite. Eh bien ça nous fait les pieds, car à force de jouer comme des pieds, de taper des pieds, on nous casse les pieds pour nous forcer à mettre les pieds dans le plat.
Plus question de dire qu’on n’y a jamais mis les pieds, qu’on ne veut pas mettre un pied dehors, on se décide à descendre les pieds bien sur terre, pour être de plain-pied car on ne veut pas perdre pied, ni lâcher pied, on veut toujours avoir pied. Alors les pieds au mur, sans traîner les pieds, car on ne veut pas mettre deux fois les pieds dans le même sabot, on travaille d’arrache-pied, à pied d’œuvre, sur le pied de guerre ou à pied d’égalité pour remonter sur son piédestal.

Qu'en dit l'anatomie ?

54 petits os dans le pied, le ¼ du squelette

Voilà ! j’ai vraiment pris mon pied !

 
Et je vous tire mon fameux pied de nez.
Surtout n’allez pas prendre tout ce que je vous dis au pied de la lettre.

Paulette VERQUIN
 Création en 1990
Encore un grand Merci, Paulette, de nous avoir offert cette tirade du pied !
 

Aperçus historiques et actualité


Pied reliquaire de Jacques le Majeur, Namur
 
Ce reliquaire du XIIIe siècle faisait partie du trésor du prieuré d'Oignies. Il est actuellement conservé au Musée des Arts Anciens du Namurois
Plus d'informations en cliquant sur l'image et sur le lien suivant

 



Le musée Gardane de Lyon conserve ce groupe sculpté d'un marcheur recevant un soin des pieds.
 
En 1967, lorsqu'il organisa une grande exposition pour le 350e anniversaire de l'hôpital de Cadillac sur Garonne, René de La Coste-Messelière choisit la photo de ce groupe comme illustration de la couverture du catalogue de l'exposition.
Ce marcheur inconnu ne pouvait qu'être un pèlerin
se rendant bien évidemment à Compostelle

 


1948






Ce pied impressionnant illustre l'affiche présentant le pèlerinage de jeunes  à Compostelle que l'Action catholique espagnole put enfin organiser cette année là. Sa revue Signo montre qu'elle en rêvait depuis 1936.

Lire le récit d'un pèlerin de 1948

Et dans l'actualité ?

Le philosophe Martin Steffens publie dans le journal La Croix du vendredi 2 juillet d'intéressantes réflexions sous le titre « Pieds ». Après avoir rappelé l'Eloge de la main d'Henri Focillon, il n'imagine pas un Eloge du pied mais, faisant référence à l'Euro de foot, il commente en connaisseur ce jeu qui se pratique sans les mains, donnant au passage une leçon d'étymologie.
L'expérience pèlerine dans laquelle le pied devient vecteur de prières apporte une conclusion irréfutable à cet article.

Paulette Verquin apparentée aux OuLiPo ?

La création de la tirade en 1990 écartait l'hypothèse de son écriture après le pèlerinage de 2006. Nous avons interrogé Paulette pour en connaître la source. Elle nous a précisé que son envie d'aller à Compostelle était née à Saint-Malo lors d'une visite d'une exposition sur les chemins jacquaires en 1990.
A cette époque, elle rédigeait chaque année une tirade pour le bulletin municipal. Elle a écrit ainsi des tirades sur les mains, les yeux, le coeur, le 4 ... et les pieds !
 

Cette spécialité de Paulette nous a fait penser aux oeuvres de Raymond Queneau et aux écrivains membres des ouvroirs OuLiPo. Wikipedia nous a fourni de plus amples informations sur cette littérature expérimentale, accessibles sous le lien suivant : OuLiPo.

D'après Wikipedia la tirade des pieds relèverait de la variante OuPi(eds)Po. 
Une autre variante d'OuLiPo consiste à écrire une phrase en utilisant toutes les lettres d'un mot quelconque comme initiales des mots de cette phrase.
                                                   

Paulette nous inspire l'idée d'un jeu pour l'été

Selon cette variante,  P ... I ... E ... D ... S ...  pourrait donner
Pèleriner Informé EDevenir Sachant
 
D'où l'idée d'inviter les lecteurs de cette lettre à un CONCOURS D'ETE.
Faire des phrases avec les mots
Pieds, Jacques, Compostelle, Charlemagne
seuls, à 2 ou 3 ou tous ensemble.

Un jury sera constitué en septembre sous la présidence d'une personnalité qualifiée. Il choisira 12 propositions qui mériteront un prix. Les prix seront décernés à l'issue du XIIe Congrès des associations jacquaires dont la réunion est prévue à Madrid fin octobre.

La question de l'adjudant

De quoi sont les pieds ?
Des soins constants du fantassin.