Quand les jours rallongent
A la Sainte-Luce (13 décembre)
les jours rallongent d’un saut de puce,
aux Rois d’un pas d’oie,
à la Saint-Vincent (22 janvier) d’un pas d’éléphant
A la Saint-Thomas (21 décembre) du pas d’un soldat ;
à la Noé (Noël) du pas d’un baudet et aussi
du saut den Grand Mé (grand-mère en Picardie)
et aussi d’un pas d’hirondelle
et aussi à la Nau (Noël) d’un pas de jo (coq) ;
à la Saint-Etienne, d’une aiguillée de laine ;
au Nouvel An du pas d’un enfant
ou d’un sergent ou d’une jument
aux Rois cela se voit et aussi est fou qui ne le connaît pas ;
à la Chandeleur (2 février) du pas d’un voleur
ou d’un bœuf et aussi d’une petite heure ;
à la Saint-Antoine (17 janvier d’un pas de moine ;
à la Saint-Blaise (3 février) comme une roue dans la glaise.
Pour notre plus grand bonheur, Luce, Etienne et Blaise ont été conservés par le calendrier des saints de Vatican II mais saint Thomas a été relégué au 3 juillet., Antoine au 5 juillet.
Un pèlerin sauvé par la lumière
Quel pèlerin n’a pas vécu une telle expérience ?
Sauvé in extremis par une chapelle ouverte, et en attendant la fin du déluge, il regarde autour de lui. L’ambiance est sinistre, la nuit profonde, la chapelle vide et glaciale, éclairée pourtant par 12 vitraux d’où émergeait à chaque éclair « un amas informe, noir et rouge ».
De plus en plus démoralisé, le pèlerin se demande quel fou est venu broyer là de « la suie et du sang » pour peindre l’image du monde.
Tout à coup, l’orage s’apaise et le soleil luit. Miracle ! Les vitraux sont une merveille ! Instantanément, le pèlerin retrouve son optimisme. Jaillit de lui cette phrase inspirée de l’Evangile :
« quand de la vérité luira le jour ».
Les vitraux de la chapelle
Un pauvre pèlerin, à l’âme simple est bonne,
Avec robe de bure et bâton de tilleul,
Revenait d'Italie et de France, tout seul,
Dans son pays de Ratisbonne.
Souvent, il avait vu le vice couronné,
Près de l'innocent qu'on opprime ;
La vertu dans la honte, et l'honneur pour le crime.
Son esprit en était toujours plus étonné.
Préoccupé de ce spectacle,
Il allait, traversant une épaisse forêt ;
De nuages massifs tout le ciel se couvrait ;
Pluie et tonnerre au loin.... et pas un habitacle !
Lorsque, hâtant ses pas, du voyage alourdis,
Il aperçut soudain une chapelle ouverte,
De lierre en dehors toute verte ;
Il s'y réfugia comme en un paradis
Il se trouva bientôt dans une nuit profonde,
Tant l'orage s'était grossi
Les piliers étaient nus, les murailles aussi ;
Aucun art ne germait de la pierre inféconde.
Et les fenêtres, par moment,
Dans cette enceinte, ou rien ne reluit et ne bouge,
Présentaient un amas informe, noir et rouge,
Sur les anciens vitraux, versé confusément.
« Quel triste aspect me vient par ces douze ouvertures ! »
Se dit le pèlerin, qui vainement songeait
A démêler quel saint ou profane sujet
Avait inspiré ces peintures.
« Peut-être quelque fou vint broyer en ce lieu
La suie avec le sang, pour peindre cet ensemble
Monstrueux, ce chaos qui semble
Une image du monde où nous a jetés Dieu.
Le pèlerin à peine achevait cette phrase,
Quand le soleil se dégageant
Des nuages, poussés par un souffle changeant,
Frappe sur les vitraux que son retour embrase.
Alors, d'harmonieux tableaux
Surgissent de leur ombre ; une peinture exquise
S'anime à la clarté, tout à coup reconquise ;
Tel l'univers créé sortit jadis des flots.
Le pauvre pèlerin fut éclairé de même ;
Au fond de son coeur s'élevait une voix :
« Oui, ce spectacle que tu vois
Des tableaux de la vie est un fidèle emblème !
Quand de la vérité luira le jour....
Alors, tout ce que tu croyais sans but, sans harmonie,
T’apparaîtra, splendeur, ordre et grâce infinie,
Comme ces transparents trésors.
Prie et crois à la providence.
Dieu, jaloux de son œuvre, au plan mystérieux,
Nous voile, pour un temps, l'éternelle évidence.
Mais il a fait tout pour le mieux ».
Fondé en 1833 par Émile Girardin, le Musée des Familles fut un périodique à bas prix, sous-titré Lectures du soir. Il avait pour ambition d’être un « Louvre populaire » accessible aux familles modestes, peu cultivées, sensibles déjà davantage aux images qu’aux textes. Malgré tout, de grands auteurs ont signé des articles, Balzac, Alexandre Dumas. Théophile Gautier, Lamartine, Victor Hugo, Jules Verne et bien d'autres. Daumier figure parmi les nombreux illustrateurs.