Institut recherche jacquaire (IRJ)
PATRIMOINE CONTEMPORAIN
La création artistique au long des chemins de Compostelle a été encouragée par le Conseil de l'Europe lorsqu'il a défini ces chemins comme premier Itinéraire Culturel Européen. L'exploitation commerciale de l'engouement pour Compostelle par des promoteurs peu scrupuleux auprès d'organismes politiques ou administratifs incompétents a conduit à l'éclosion d'un grand nombre d'oeuvres dans une importante surenchère de ronds-points, statues ou compositions diverses.

Récemment redécouvert par Renaud Arpin, historien de Montgeron, un vitrail de l’église Saint-Jacques de Montgeron semble témoigner d’une rare audace du curé commanditaire, de la donatrice et des Maîtres verriers franco-espagnols. Dans la représentation du martyre de saint Jacques, le bourreau ressemble étonnamment à Hitler. Acte volontaire de résistance ou hasard d'un représentation stylisée ?


Montgeron en Essonne avait une église paroissiale depuis 1247, dédicacée en 1535 à saint Jacques et saint Christophe. Devenue trop petite, elle fut détruite dans les années 1850 et une nouvelle église sous le vocable de saint Jacques fut construite en 1855, 1856.
En 1941, cette église fut dotée d’un ensemble de vitraux réalisés par l’atelier des frères Mauméjean, grands Maîtres verriers du XXe siècle. Originaire du Sud-Ouest, la famille Mauméjean oeuvra dans l’art du vitrail de 1860 à 1970. Elle avait des liens avec le pays basque et la Catalogne et deux sociétés, une en France et une en Espagne. Leurs réalisations sont très nombreuses dans ces deux pays. La famille Mauméjean fut présente dans ce métier pendant plus d’un siècle, de 1860 à 1970. En France, elle eut des ateliers à Pau, Anglet, Biarritz. En Espagne elle eut un atelier à Madrid dès 1898 puis à Barcelone et Saint-Sébastien. Plus tard, leur société prit le nom de Mauméjean Frères en France, et Mauméjean Hermanos en Espagne. L’activité cessa en 1970 à la mort du dernier descendant.
Les ateliers des frères Mauméjean ont réalisé en 1941 la décoration de l'église Saint-Jacques de Montgeron comprenant un ensemble de vitraux et des mosaïques.

Regardez bien la tête du bourreau
Regardez bien la tête du bourreau
Contrairement à ce qui est habituel, le vitrail dédié au saint patron de l'Eglise n'est pas disposé dans l'axe du choeur, il est sur la gauche.Sa scène centrale représente le bourreau s'apprêtant à trancher la tête de l'apôtre, agenouillé à ses pieds. Aucun écrit, ni commande, ni descriptif n'a été retrouvé concernant ce vitrail qui présente une particularité surprenante :  très stylisée, la tête du bourreau ne peut manquer de faire penser à Hitler. Une mèche lui barre le front, plus discrète, une moustache peut être vue sous un certain angle.

Cette composition a été mise en lumière par un jeune professeur d’histoire de Montgeron, Renaud Arpin, à l’occasion des Journées du patrimoine 2010. Elle était connue de quelques habitants mais son originalité et surtout le témoignage de l’esprit de résistance qu'il est possible d'y voir n’avaient pas été soulignés. Les maîtres verriers, le chanoine Le Couëdic, curé de la paroisse en 1941 et la donatrice Mme Dumay ont-ils volontairement couru des risques pour afficher ainsi, sous l’œil de l’occupant, le Führer transformé en bourreau ? Ou s'agit-il de l'évolution d'un style interprété soixante-dix ans plus tard ? La question est ouverte. Mais l'hypothèse de l'acte de résistance a d'emblée été acceptée par tous les commentateurs tant elle apparaît exaltante.

Hitler à l’église Saint-Jacques de Montgeron ?
La composition de ce vitrail est très intéressante. La scène du martyre est encadrée par un rappel des liens entre saint Jacques et la Vierge.
Au registre supérieur, la vierge est assise avec Jésus dans les bras.
Au registre inférieur figure la phrase du Credo des apôtres attribuée à saint Jacques :
« Conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie ».
Cette phrase borde une mandorle au centre de laquelle est représentée une barque de pêcheur avec ses filets. Est-ce la barque de Zébédée que Jacques a quittée pour suivre Jésus, rappelant l’origine de sa mission ? Est-ce l’embarcation qui conduisit le corps de saint Jacques en Galice ? La présence d’un filet fait pencher pour la première interprétation.

La barque est surmontée d’une étoile à laquelle le registre supérieur fait écho en présentant la cathédrale de Compostelle soulignée par le nom de la ville. Comment ne pas voir là l’influence espagnole de la famille Mauméjean ?
Ce n'est pas l'avis des pèlerins contemporains pour qui la présence de cette église Saint-Jacques à Montgeron est bien la preuve de l'existence d'un chemin de Compostelle passant par Montgeron, ce que confirme le vitrail.


Renaud Arpin a étudié cette question et sa conclusion est que « si l’on ne peut affirmer que notre ville eut autrefois sa place sur le chemin de Saint-Jacques, il semble qu’elle en ait une, même modeste pour les jacquets d’aujourd’hui ».

Quant à la scène du martyre elle-même, outre le personnage du bourreau il est possible de s’interroger sur le symbolisme du personnage que représente saint Jacques. Il était juif et son prénom reflète le nom de Jacob, père des tribus d’Israël ? Représente-t-il le peuple juif qu’Hitler avait entrepris d’exterminer ? Ou, plus largement symbolise-t-il les peuples soumis au joug nazi ? Il ne reste malheureusement pas d’archives connues de cette œuvre. Peut-être Renaud Arpin en trouvera-t-il un jour ?
Le registre inférieur du vitrail
Le registre inférieur du vitrail


Dimanche 23 Janvier 2011 Fondation Ferpel | Commentaires (0)

En 1950, Paul Guinard (directeur de l'Institut français en Espagne pendant 30 ans), concluait ainsi un propos sur saint Jacques et le pèlerin dans l’art chrétien :
« ... les rénovateurs de l’art religieux, depuis un demi-sièçle, semblent avoir ignoré saint Jacques. Seul le poète du Soulier de Satin et du Livre de Christophe Colomb a fait surgir sur la scène une ombre gigantesque : le "pèlerin de l’Occident ... phare entre les deux mondes ... ".
Quel maître fixera sur la toile ou sur la pierre, le saint Jacques "cosmique" rêvé par Claudel ?
Verrons-nous refleurir le rameau séculaire sur le tronc vénérable de l’art chrétien ?».
Délibérément nouvelle, l'oeuvre de BENE, présentée ci-dessous, est une réponse à ces questions.


Née du regard de l’artiste BENE, cette sculpture présente un marcheur, dépouillé, au repos, les bras posés sur le bourdon qu'il porte sur la nuque, en travers sur ses épaules. La position fait immanquablement allusion au Christ sur la croix car à quelques mètres, on verra d’abord une crucifixion. Mais non, il s’agit bien là de saint Jacques, 1er apôtre martyr de la Chrétienté représenté en pèlerin. Fatigué de sa marche, il est en appui sur la jambe gauche, légèrement fléchie, et soulève la jambe droite dans la position de repos habituelle. Une discrète coquille couronne son bourdon. Mais, en dehors de cela, il ne porte aucun des attributs habituels du pèlerin. Cette sculpture offre ainsi une double lecture qui rend cette œuvre profonde et attachante et rappelle le martyre de l’apôtre.
Pleine de sens et d’originalité, elle crée la surprise. Mais il suffit de s’en approcher pour que l’émotion dégagée par l’oeuvre prenne une nouvelle dimension. En effet, la matière qui la constitue est un amalgame de plus d'un demi-millier de croix de chapelets. Analogie qui exprime que, dans la souffrance du Christ, saint Jacques trouve la force, car il est solidement habité par la foi.

Le symbolisme des innombrables crucifix renforce ici l’évocation de la croix du calvaire. Ils témoignent des souffrances portées par nombre de pèlerins sur leur chemin. Ces croix sont des croix de chapelet. Constituant une figure de saint Jacques, elles le relient au culte marial et rappellent les interventions de la Vierge dans sa prédication et le témoignage qu'il nous a laissé d'Elle dans son Protévangile.
L’artiste a poussé le détail jusqu’à utiliser une croix, probablement la plus grande, pour couvrir le front et le nez afin d’évoquer le heaume que portaient les croisés. Cette figure combattante peut aussi faire penser au Matamore et à la croisade que fut la Reconquista. Mais l'évocation de la croix montre bien qu'il s'agit ici de combat spirituel.
Une interprétation originale et d'un symbolisme  profond, qui a su respecter et aussi rappeler les vraies valeurs que représente le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle.

Il existe actuellement deux versions de cette oeuvre contemporaine.
Les premières séries en bronze et argent, de presque un mètre de hauteur (650x 840), numérotées de 1 à 10, sont destinées aux églises, monastères ou autorités religieuses ou aux grands collectionneurs.

Un tirage en résine patinée vieil argent, sera décliné en deux dimensions :
- la première à la taille des originaux, pour des collectivités ou des particuliers
- la seconde d’une hauteur ne dépassant pas 30 cm, pour les pèlerins en souvenir de leur pèlerinage et pour tous ceux qui portent une dévotion à saint Jacques ou dont il est le patron.

La première exposition de cette pièce était à la chapelle Saint-Jacques de Mantes-la-Jolie, où des pèlerins ont pu apprécier l'original, beaucoup plus impressionnant en volume.

Nous vous tiendrons au courant des lieux où l’original de cette oeuvre sera très bientôt exposé.

Thierry Bénénati, alias BENE, a fait les Arts Appliqués à Marseille où il est né. Directeur artistique et réalisateur dans la Publicité à Paris, il a été également auteur pour la société Gaumont. Le côté éphémère de la publicité l’a poussé à entreprendre une carrière où les créations sont plus pérennes et purement artistiques. L’esthétique et le réalisme de ses sujets tournent toujours autour d’un décalage, d’une idée, d’un anachronisme. Le message est poétique ou humoristique. Si le style rappelle les études classiques du XIXe, le côté décalé de son œuvre l’inscrit dans l’art contemporain. Il réalise essentiellement des pièces uniques en acier. Aujourd’hui le grand comédien Gérard Depardieu s’intéresse de très près à la carrière de cet artiste dont il a acquis quelques pièces.
BENE s’exprime aussi très bien avec le bronze. Comme pour cet Esprit de saint Jacques. La technique de fonte « à la cire perdue » représente pour le sculpteur un travail plus en douceur. Les effets de matière sont moins torturés. Mais l’esprit décalé de l’artiste est toujours là.




 



Vendredi 25 Juin 2010 | Commentaires (0)