Institut recherche jacquaire (IRJ)

Hitler à l’église Saint-Jacques de Montgeron ?


Rédigé par Fondation Ferpel le 23 Janvier 2011 modifié le 24 Janvier 2011
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Récemment redécouvert par Renaud Arpin, historien de Montgeron, un vitrail de l’église Saint-Jacques de Montgeron semble témoigner d’une rare audace du curé commanditaire, de la donatrice et des Maîtres verriers franco-espagnols. Dans la représentation du martyre de saint Jacques, le bourreau ressemble étonnamment à Hitler. Acte volontaire de résistance ou hasard d'un représentation stylisée ?



L'église Saint-Jacques de Montgeron

Montgeron en Essonne avait une église paroissiale depuis 1247, dédicacée en 1535 à saint Jacques et saint Christophe. Devenue trop petite, elle fut détruite dans les années 1850 et une nouvelle église sous le vocable de saint Jacques fut construite en 1855, 1856.
En 1941, cette église fut dotée d’un ensemble de vitraux réalisés par l’atelier des frères Mauméjean, grands Maîtres verriers du XXe siècle. Originaire du Sud-Ouest, la famille Mauméjean oeuvra dans l’art du vitrail de 1860 à 1970. Elle avait des liens avec le pays basque et la Catalogne et deux sociétés, une en France et une en Espagne. Leurs réalisations sont très nombreuses dans ces deux pays. La famille Mauméjean fut présente dans ce métier pendant plus d’un siècle, de 1860 à 1970. En France, elle eut des ateliers à Pau, Anglet, Biarritz. En Espagne elle eut un atelier à Madrid dès 1898 puis à Barcelone et Saint-Sébastien. Plus tard, leur société prit le nom de Mauméjean Frères en France, et Mauméjean Hermanos en Espagne. L’activité cessa en 1970 à la mort du dernier descendant.
Les ateliers des frères Mauméjean ont réalisé en 1941 la décoration de l'église Saint-Jacques de Montgeron comprenant un ensemble de vitraux et des mosaïques.

Le vitrail du martyre de saint Jacques

Regardez bien la tête du bourreau
Regardez bien la tête du bourreau
Contrairement à ce qui est habituel, le vitrail dédié au saint patron de l'Eglise n'est pas disposé dans l'axe du choeur, il est sur la gauche.Sa scène centrale représente le bourreau s'apprêtant à trancher la tête de l'apôtre, agenouillé à ses pieds. Aucun écrit, ni commande, ni descriptif n'a été retrouvé concernant ce vitrail qui présente une particularité surprenante :  très stylisée, la tête du bourreau ne peut manquer de faire penser à Hitler. Une mèche lui barre le front, plus discrète, une moustache peut être vue sous un certain angle.

Cette composition a été mise en lumière par un jeune professeur d’histoire de Montgeron, Renaud Arpin, à l’occasion des Journées du patrimoine 2010. Elle était connue de quelques habitants mais son originalité et surtout le témoignage de l’esprit de résistance qu'il est possible d'y voir n’avaient pas été soulignés. Les maîtres verriers, le chanoine Le Couëdic, curé de la paroisse en 1941 et la donatrice Mme Dumay ont-ils volontairement couru des risques pour afficher ainsi, sous l’œil de l’occupant, le Führer transformé en bourreau ? Ou s'agit-il de l'évolution d'un style interprété soixante-dix ans plus tard ? La question est ouverte. Mais l'hypothèse de l'acte de résistance a d'emblée été acceptée par tous les commentateurs tant elle apparaît exaltante.

Le vitrail plus en détail

Hitler à l’église Saint-Jacques de Montgeron ?
La composition de ce vitrail est très intéressante. La scène du martyre est encadrée par un rappel des liens entre saint Jacques et la Vierge.
Au registre supérieur, la vierge est assise avec Jésus dans les bras.
Au registre inférieur figure la phrase du Credo des apôtres attribuée à saint Jacques :
« Conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie ».
Cette phrase borde une mandorle au centre de laquelle est représentée une barque de pêcheur avec ses filets. Est-ce la barque de Zébédée que Jacques a quittée pour suivre Jésus, rappelant l’origine de sa mission ? Est-ce l’embarcation qui conduisit le corps de saint Jacques en Galice ? La présence d’un filet fait pencher pour la première interprétation.

La barque est surmontée d’une étoile à laquelle le registre supérieur fait écho en présentant la cathédrale de Compostelle soulignée par le nom de la ville. Comment ne pas voir là l’influence espagnole de la famille Mauméjean ?
Ce n'est pas l'avis des pèlerins contemporains pour qui la présence de cette église Saint-Jacques à Montgeron est bien la preuve de l'existence d'un chemin de Compostelle passant par Montgeron, ce que confirme le vitrail.


Montgeron sur un chemin de Compostelle ?

Renaud Arpin a étudié cette question et sa conclusion est que « si l’on ne peut affirmer que notre ville eut autrefois sa place sur le chemin de Saint-Jacques, il semble qu’elle en ait une, même modeste pour les jacquets d’aujourd’hui ».

Quant à la scène du martyre elle-même, outre le personnage du bourreau il est possible de s’interroger sur le symbolisme du personnage que représente saint Jacques. Il était juif et son prénom reflète le nom de Jacob, père des tribus d’Israël ? Représente-t-il le peuple juif qu’Hitler avait entrepris d’exterminer ? Ou, plus largement symbolise-t-il les peuples soumis au joug nazi ? Il ne reste malheureusement pas d’archives connues de cette œuvre. Peut-être Renaud Arpin en trouvera-t-il un jour ?
Le registre inférieur du vitrail
Le registre inférieur du vitrail