Institut recherche jacquaire (IRJ)

Le tracé des chemins de Compostelle


Rédigé par le 2 Janvier 2017 modifié le 1 Février 2024
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Le tracé des chemins de Compostelle en Europe, après la décision de 1987 s’est appuyé sur des considérations présentées comme historiques alors que les historiens les savaient fausses. Mais la décision était politique. Ils n’ont pas été entendus. Il est bon de leur donner à nouveau la parole



Un avertissement précurseur

Dès 1969 l’historien Charles Higounet,  dans une communication au Congrès des sociétés savantes à Pau exprimait la réserve suivante :
« on se complait peut-être un peu trop dans les mini-enquêtes locales qui, après la phase des itinéraires stéréotypés du Guide du pèlerin, nous plongent dans un chevelu de chemins dans lesquels on risque de se perdre ».
Il faisait référence aux travaux entrepris en France sous l’impulsion de la Société des amis de saint Jacques, basés sur la traduction du dernier Livre du Codex Calixtinus publiée en 1938 sous le titre de Guide du Pèlerin.
 

Les réserves d'historiens au Congrès de Bamberg

Nous avons déjà souligné que la décision prise en 1987 en faveur des chemins de Compostelle était une décision politique. N'est-il pas significatif qu'un  congrès scientifique ait été organisé en 1988 à Bamberg, en Bavière, par le Conseil de l’Europe sur le thème Les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Deux médiévistes allemands, Hedvig Röckelein et Gottfried Vendling osèrent répondre par la négative à l’invitation qui leur était faite de trouver des « Chemins et traces de pèlerins de Saint-Jacques dans la Haute-Rhénanie ».
D'autres exprimèrent leurs réserves avec plus de respect pour la décision déjà prise.
 

Conclusion d'Edvig Röcklein et

Nous restons sceptiques envers le projet du Conseil de l'Europe intitulé « Chemins de Saint-Jacques. Itinéraire culturel européen ». La tendance d'interpréter tout indice du culte de saint Jacques comme preuve d'un chemin de Compostelle nous semble être trop exagérée. Il serait bien plus ingénieux d'inclure de la même manière tous les domaines du culte de saint Jacques et, là où il est encore possible, de les protéger et entretenir comme monuments historiques. Cet objectif devrait impliquer la conservation d’anciens tronçons des chemins médiévaux - comme on essaie déjà de le faire en Suisse. Par contre, un réseau européen de prétendues routes de Saint-Jacques nous semble plutôt être un camouflage de données, différentes selon la région et les époques historiques.
Le camino francès espagnol dans sa singularité ne peut pas être reproduit au Nord des Pyrénées et ce qui devient finalement - à Saint-Jacques de Compostelle - un fleuve large s'est alimenté à beaucoup de petites sources. Chacune de ces sources : un pèlerin avec son propre chemin, partant de sa maison et y retournant, si cela plaisait à Dieu. Un pèlerin avec ses espérances, ses aventures et ses expériences, avec sa religiosité et sa spiritualité - ce pèlerin, le vrai protagoniste de l'échange culturel en Europe, risque de se perdre dans la recherche des routes de Saint-Jacques.

D'autres opinions négatives exprimées prudemment

Les opinions de plusieurs autres intervenants au colloque de Bamberg, souvent des scientifiques, ne différaient pas sensiblement de celles d’Edvig Röckelein et de Gottfried Vendling bien qu'exprimées de façon plus modérée. Leurs propos ont guère incité à la prudence.
Klaus Herbers suggérait déjà d’avoir à « considérer avec réserve la démarche méthodologique consistant à répertorier les monuments dédiés à saint Jacques pour tracer des chemins »
H. Gellenbenz se contentait d’évoquer le « réseau routier en Europe centrale ».
• Pour la Suisse, Hans Peter Schneider adoptait l’idée de revitaliser l’Oberstrasse dessinée sur une carte du XVIe siècle et empruntée par quelques pèlerins de Compostelle qui la mentionnent dans leurs récits. Mais il précisait bien que « les chemins existants servaient à toutes sortes d’usage ».
• En Belgique, Dick Aerts réaffirmait que « de routes de pèlerinages il n’y a pas » et soulignait la difficulté d’harmoniser un chemin de Compostelle avec un itinéraire touristique de valeur locale. Il formulait un vœu pieux qui nous est resté cher, associer les marcheurs et les scientifiques, situant à ce niveau « l’identité de l’Europe ». Il n’a été entendu que par quelques rarissimes marcheurs, qui n’en sont que plus précieux !
 

Ces voix oubliées  aideront à prendre conscience du fait qu’on a limité la dévotion à saint Jacques à la constitution de cartes menant vers Compostelle. Elles rappelleront qu’en 1984 l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe était ouverte à tous les itinéraires de pèlerinage et ne prônait pas le « tout Compostelle » auquel ces itinéraires ont été réduits aujourd’hui. Oubliant cette variété et cette richesse des pèlerinages médiévaux, on a fait de Compostelle du carton-pâte dont les plus curieux se lassent. Le Conseil de l'Europe a heureusement  " rectifié le tir " en reconnaissant d'autres itinéraires de pèlerinage. Trop tard car les médias, même les plus proches de l'Eglise, tout imprégnés de Compostelle ont du mal à présenter l'Europe pèlerine du Moyen Age. L'année 2016 a heureusement montré une évolution sur ce sujet.