Institut recherche jacquaire (IRJ)

Le Camino menacé ou les arroseurs arrosés.


Rédigé par le 31 Décembre 2014 modifié le 1 Février 2024
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Ce Manifeste a une tonalité curieuse. Il ressemble à un cahier de revendications de " pèlerins " qui se sentiraient différents des autres utilisateurs des chemins de Compostelle. Sur le fond, il se réfère en permanence à des affirmations à caractère historique non étayées et à des présupposés dont l'origine n'est pas définie.



Un manifeste en 4 points et de nombreuses revendications

Le Manifeste comprend quatre chapitres, eux-mêmes détaillés en plusieurs sujets conduisant à des demandes ou propositions tendant à
" rendre service au pèlerinage de St Jacques "
- La Credencial et la Compostela
- Défense du patrimoine et des itinéraires
- Tourisme et Pèlerinage
- Hospitalité et accueil du pèlerin

La longueur du Manifeste ne permet pas un commentaire complet dans ce premier article. Nous en présentons quelques conclusions suivies de notre avis et de nos suggestions.
Les lecteurs intéressés peuvent télécharger le Manifeste par le lien ci-dessous ou visiter le site de la FICS.

La credential

Pour la délivrance de la credencial, le Manifeste souligne
" la nécessité, d’expliquer clairement le sens du Chemin et du pèlerinage "
Il propose :
" Que la Credencial, en plus de son rôle de passeport, serve à identifier les personnes en tant que pèlerins ".
Notre avis :
 La rédaction de cette partie risque de conduire les anciens pèlerins à s'arroger le droit de juger de la qualité de pèlerin de ceux qui demanderont la credencial. Elle traite de façon hypocrite la question du prix de ce document. Le Manifeste aurait eu intérêt à se référer à l'origine de ce document et à ses premières versions.

La Compostela

Constatant que la règle des 100 km entraîne une surpopulation sur cette partie du chemin, le Manifeste demande à la Cathédrale de Compostela,
" - d’augmenter la distance nécessaire pour obtenir la Compostela, et
- de faire figurer sur ce même document, et de façon gratuite, le lieu de départ du pèlerin ".
Notre avis :
La seule utilité de la Compostela est d’être un souvenir du pèlerinage. Le carnet de pèlerin et  ses tampons, plus ou moins nombreux, ne pourraient-il suffire ? Une bonne solution serait de supprimer la Compostela.
La mention du kilométrage parcouru est une fausse bonne idée. l'indication du point de départ et du nombre d'étapes serait plus aisée.

Le Camino, patrimoine en danger

Le Manifeste propose de
" soutenir la pétition de l’ICOMOS-España demandant l’inclusion immédiate du Camino Francés sur la Liste du Patrimoine Mondial en Danger de l’Unesco ".
Notre avis :
1 - Si le Camino est en péril, il faut d’urgence le désinscrire du Patrimoine mondial. Son inscription a été une décision politique prise en faveur de l’Espagne. Elle a porté ses fruits. Merci l’UNESCO. La publicité est faite, nul besoin de l'entretenir. La même décision doit s’appliquer pour les chemins en France.
2 - Il serait utile de faire reconnaître que le pèlerinage, démarche vers un lieu sacré est un Bien immatériel commun à toute l’humanité. Dans certains pays, il n'est pas possible d'aller en pèlerinage. C’est bien plus grave que la surpopulation des chemins de Compostelle. Ainsi, des Palestiniens seraient heureux de pouvoir aller à Jérusalem.

Tourisme et pèlerinage

Le Manifeste analyse ainsi cette question :
" L’irruption de la culture des loisirs sur le Camino a augmenté les problèmes : massification, banalisation, perte de la spécificité du pèlerinage jacquaire et de ses valeurs historiques. Les administrations publiques ont une grande responsabilité pour avoir [ ... vendu ...] le chemin comme un produit touristique ".
Notre avis :
Ceci est vrai. L'Espagne de Franco a lancé le mouvement dans les années 1960. Mais la responsabilité des associations dont le lobbying a conduit à l'Itinéraire culturel européen est oubliée. Dans ce domaine la France qui a joué un rôle pionnier porte une responsabilité particulière. Il devrait être clair aussi que sans le développement des loisirs il n'y aurait pas eu de créations des chemins contemporains.

L'hospitalité un élément fondamental du chemin

Cette affirmation est complétée d'une constatation
" on assiste à une prolifération de gîtes dont le principal objectif est l’accueil du pèlerin en échange d’un prix fixe ".
suivie d'un ensemble de demandes non argumentées.
Notre avis :
L'absence d'analyse du phénomène est criante. Elle laisse l'impression de l'existence d'un "corporatisme pèlerin". Qui s'est jamais indigné qu'il y ait des hôtels à Lourdes ou Fatima ?
Soucieux de " rendre ce qu'ils ont reçu sur le chemin ", des pèlerins ont d'abord proposé leur bénévolat dans des structures existantes. Puis d'autres se sont installés en créant des gîtes, parfois en y trouvant une nouvelle vie conjugale et une occupation de retraite. De quel droit exigeraient-ils la suppression des activités commerciales sur les chemins ?

Ce Manifeste prouve une évolution inéluctable

Les chemins de Compostelle sont devenus comme une immense scène de théâtre, certains y prient, d’autres s’y mettent en scène dans leurs blogs quotidiens, ou écrivent leur récit, d'autres y organisent des spectacles ou des concerts. Les plus nombreux marchent sans rien dire et n’en parlent plus qu'en cercle restreint. Des artistes se produisent « sur le chemin », des associations de retraités y vont faire leurs sorties ou le prennent pour thème de concours. Le commerce a inventé une quantité de produits dérivés sous la marque Compostelle. La ville du Puy en Velay d'où partent la majorité des pèlerins français est championne de la mise en tourisme du Camino. Il est trop tard pour arrêter le mouvement.
Les associations de pèlerins  ont une grande part de responsabilité. On ne compte plus les soirées-diapos de pèlerins racontant leur chemin. Les journaux locaux en sont friands. Se croyant historiens, parce qu'ils ont marché et lu des récits d'autres  pèlerins, ces conférenciers diffusent les idées fausses qui contribuent à abâtardir l'image de Compostelle. Ils se lamentent aujourd'hui sur un phénomène qu'ils ont eux-mêmes contribué à fabriquer. Quand en prendront-ils conscience ?