Institut recherche jacquaire (IRJ)

Gouvernance des chemins de Compostelle (2), nos propositions


Rédigé par le 2 Février 2015 modifié le 3 Février 2015
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Le dossier présenté à l'UNESCO a fait fi de l'histoire. Sans les recommander, nous évoquons ici des pistes qui pourraient permettre d'éviter l'annulation de l'inscription sans faire fi de l'histoire. Quoi qu'il en soi une mise en tourisme des chemins de Compostelle en France est nécessaire. L'organisme qui pourra la réussir reste à inventer.



Respecter l'histoire

Rappelons d'abord que
- L'inscription a eu un " caractère exceptionnel " (lettre de novembre 1996, signée du Directeur du Patrimoine, Maryvonne de Saint-Pulgent)
- Les chemins ne constituant pas un bien identifié présentable, le dossier a eu recours à un artifice : ils ont été représentés par des
" étapes [...] sites comportant des monuments majeurs et parfaitement attestés comme appartenant au pèlerinage jacquaire ".
L'argumentaire
« … tout au long du Moyen Age, Saint-Jacques-de-Compostelle fut la plus importante de toutes les destinations pour d'innombrables et pieux pèlerins en provenance de toute l'Europe. Pour atteindre l'Espagne, les pèlerins devaient traverser la France, et les monuments historiques notables qui constituent la présente inscription sur la Liste du Patrimoine mondial jalonnaient les quatre routes qu'ils empruntaient ».
pouvait encore être cru en 1999. Il ne peut plus l’être aujourd’hui car la recherche historique a fait progresser les connaissances. Aucun chercheur n’a trouvé de « pèlerins innombrables » ni dans les archives des hôpitaux ou autres institutions, ni dans l’ensemble des documents médiévaux qui n’ont pas davantage révélé l’existence des quatre routes soi-disant historiques.
Il repose sur les conclusions tirées à la fin du XIXe siècle de l'édition du dernier Livre du Codex calixtinus.
Une première solution pour respecter ce document historique consisterait à définir les chemins de Compostelle en France par les étapes qu'il mentionne et de s'en tenir à elles.

Les étapes définies par le Codex Calixtinus

Quatre chemins vont à Saint-Jacques ; ils se réunissent à Puente la Reina :
– le premier, par Saint-Gilles, Montpellier et Toulouse, va au port d’Aspe ;
– le deuxième passe par Notre-Dame du Puy, Sainte-Foy de Conques et Saint-Pierre de Moissac ;
– le troisième, par Sainte-Madeleine de Vézelay, Saint-Léonard en Limousin et Périgueux ;
– le quatrième, par Saint-Martin de Tours, Saint-Hilaire de Poitiers, Saint-Jean d’Angély, Saint-Eutrope de Saintes et Bordeaux.
Ces trois derniers se réunissent à Ostabat pour traverser les Pyrénées au port de Cize ... .
Ce seul document historique posera quelques problèmes aux architectes des monuments historiques pour choisir un édifice dans les villes et lieux mentionnés sans indication de sanctuaire.
Ces étapes sont les seules que l'Histoire propose pour définir les chemins. Il est évident qu'il est impossible d'en déduire des tracés d'itinéraires de pèlerins. Elles devraient néanmoins permettre de sauver l'inscription.

Compostelle modèle des pèlerinages médiévaux

Les liens des 71 monuments retenus en 1998 avec Compostelle, voire même avec saint Jacques, sont le plus souvent inexistants ou ténus. Mais la qualité de beaucoup d'entre eux est réelle, même s'il est difficile de prétendre qu'ils ont une Valeur Universelle Exceptionnelle (VUE), exigence de l'UNESCO. Ils sont représentatifs de beaucoup d’autres qui ne bénéficieront jamais d’une inscription formelle mais qui témoignent de pèlerinages ou de cultes à saint Jacques ou ont trouvé leur place sur les chemins contemporains de Compostelle. Tous auraient pu justifier l'inscription des Chemins de Compostelle. La demande initiale n'envisageait-elle pas 800 édifices ?
L'inscription repose sur deux postulats :
- tout au long du Moyen Age, des pèlerins allaient à Compostelle en foules considérables.
- en France ils ont marché sur quatre routes.
Si les pèlerins étaient nombreux sur les routes, ils n’étaient qu’une petite minorité à aller à Compostelle. Et les quatre routes sont un mythe. Le Conseil de l’Europe, par sa déclaration de 1984, indiquait la voie, il recommandait au Comité des Ministres
de choisir l'exemple du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle comme point de départ d'une action relative à d'autres itinéraires de pèlerinage.
Voilà la clef, Compostelle est un symbole de tous les pèlerinages médiévaux. Et plus précisément, il est un modèle car l’apôtre Jacques, premier apôtre martyr, passeur des âmes le long de la Voie lactée, était vénéré en de nombreux sanctuaires en Europe dont beaucoup possédaient ou possèdent encore des reliques de l'apôtre.
Pourrait-on trouver là une voie pour sauver l'inscription avec un nouvel argumentaire ?

Faire reconnaître un patrimoine immatériel

Le dossier présenté par la France à l’UNESCO a cherché à présenter une cohérence géographique en transformant les monuments en jalons sur des chemins. C’était déformer la réalité donc commettre une erreur. Le véritable lien entre ces monuments n’est pas la géographie. Il existe une autre cohérence qui n'est pas une solidarité.
Nous retrouvons en eux ce que demande le critère III de l’UNESCO :
« apporter un témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou disparue ».
Curieusement ce critère, à nos yeux le seul pertinent, n’a pas été retenu par les experts de l’ICOMOS qui ont proposé l’inscription sur la base des critères II, IV et VI. C’est pourtant bien ce seul critère qui peut enfin permettre de résoudre l’équation 71+7=1.
Le véritable patrimoine commun de l'humanité, c'est le pèlerinage et pas les chemins. Il existe dans toutes les cultures et toutes les religions sous des formes diverses.
Obtenir de l'UNESCO la reconnaissance de la démarche pèlerine comme bien commun de l'humanité ouvrirait la voie à la reconnaissance d'une nouvelle définition d'un " bien immatériel en série ". Le dolmen de Pech-Laglaire pourrait sans doute trouver là une place mieux justifiée qu'en tant que balise d'un chemin de Compostelle. Nous avancerons des propositions plus précises sur ce sujet.
 

En tout état de cause donner un contenu à l'équation 71+7=1

Aucune décision ne pouvant être attendue dans un avenir proche, il importe de donner du sens à la situation actuelle.
Pour mettre en valeur ce patrimoine il faut faire vivre chaque site, en symbiose avec les autres, sinon au bénéfice de l’humanité, du moins au bénéfice des populations locales, des visiteurs, des touristes et des pèlerins. Pour éviter que les guides répètent " Ypassaientparlà ", un
effort de formation, avec une forte composante historique est nécessaire. La dynamique créée par l’essor du pèlerinage contemporain impose des progrès rapides.

L'Etat n'est sans doute pas le mieux placé pour atteindre cet objectif.
Rien ne se fera sans coopération active entre les divers acteurs en partant  du niveau le plus bas possible.  Il ne s’agit pas de gérer mais de faire vivre en harmonie. Les exemples existent de sites  vivants où il y a un projet porté par une équipe locale. Le Puy n'a pas attendu une éventuelle gouvernance pour se développer.

Quel organisme inventer qui puisse apporter un soutien aux initiatives locales, organiser les échanges d’expérience et  devenir le facteur d’unité indispensable pour qu’enfin 71 + 7 = un seul Bien ?
Ce ne peut être un organisme hégémonique tendant à imposer une gouvernance sans objectifs autres que d'apporter des réponses aux exigences de l'UNESCO dans la fidélité à l'erreur initiale

Lien vers la présentation de la situation actuelle des efforts entrepris en vue de satisfaire les exigences de l'UNESCO pour le maintien de l'inscription des chemins de Compostelle en France au Patrimoine mondial.