Institut recherche jacquaire (IRJ)

Gigantones et Cabezudos à Compostelle, étape n°56


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 25 Mai 2020 modifié le 28 Décembre 2020
Lu 187 fois

Quel rapport peut-il y avoir entre l’Eglise de Compostelle et ces Géants qui, pensions-nous, participent du folklore profane ?
La photo des Géants ci-contre a été prise récemment dans le triforium de la cathédrale et, chaque année encore aujourd’hui c’est de la cathédrale qu’ils sortent pour les grands défilés des 24 et 25 juillet à travers la ville. Non seulement ils y habitent toute l’année, mais ils sont la propriété du chapitre de la cathédrale qui en assure la fabrication et le très coûteux entretien.



Les géants chez les chanoines

Ces géants s’inscrivent dans une tradition bien antérieure au christianisme présente partout dans le monde et, dès l’origine, ils étaient intégrés aux grandes processions religieuses. En Espagne, ils sont très nombreux et c’est lors l’occupation de l’Espagne dans les Flandres qu’ils y ont fait souche.
 
A Compostelle ils apparaissent pour la première fois en 1660 dans les comptes, lors du règlement de factures « pour les huit géants du Corpus Christi » (la Fête-Dieu). La première mention de la Fête-Dieu célébrée à la cathédrale date de 1380, mais elle est sans doute antérieure, et on ne sait pas si les géants étaient présents. C’est vraisemblable car au Portugal, à Evora, ils sont signalés en 1265 lors de cette même Fête-Dieu. Et là, ils symbolisaient les vices que le Christ avait permis de dompter, serpent, diable ou dragon. A Compostelle, bien plus tard, on retrouve une signification comparable : le 19 septembre 1713, ils participent à la célébration de la canonisation de saint Pie V, pape ; ils sont les diables qui « exprimaient les ennemis de la Foi dont Pie V a triomphé ». En 1750 encore le Padre Sarmiento, bienfaiteur de la culture galicienne, assure que dans l’Ancien Testament les géants sont les diables tel Goliath vaincu par David. Dans les processions de la Fête-Dieu leur présence symbolise l’Enfer conquis et la victoire du Christ sur le Mal.
image_4.png image.png  (4.26 Ko)
image_5.png image.png  (2.1 Ko)
image_6.png image.png  (2.75 Ko)

Ils sont de toutes les fêtes religieuses

On ignore à quel moment les géants ont participé à d’autres fêtes religieuses mais ils y sont présents constamment durant les XVIIe et XVIIIe siècles, par exemple lors du transfert des Jésuites dans leur nouvelle église ou la naissance d’un prince Louis Ferdinand. Il est vraisemblable que dès ces époques ils étaient présents lors des fêtes de l’apôtre, le 25 juillet. Et sans doute lors des liturgies, puisqu’ils y sont décrits par toute la presse du XIXe siècle, qui ne fut pas le siècle des innovations de ce genre.
A cette époque, ils ont changé de fonction. Ils « représentent les pèlerins des différentes nations qui venaient se prosterner devant l’apôtre »
En 1879, la municipalité s’est associée aux géants en présentant huit « grosses têtes », caricatures des membres civils de la cité.
image_5.png image.png  (2.1 Ko)
image_7.png image.png  (2.75 Ko)

Ils participent aux messes solennelles et y dansent

La presse se fait également l’écho de leur présence lors des cérémonies d'ouverture de la porte sainte le 31 décembre au début des années jubilaires.
Le 24 juillet ils sortaient de la cathédrale et exécutaient trois danses sur la place de la Quintana, au son des cornemuses et des pétards. Lors de la messe du 25, deux des géants étaient placés dans la chapelle principale et, à la fin de la messe, tous dansaient devant le maître-autel, ce qui a duré jusque dans les années 1960. Le concile Vatican II n’a peut-être pas été étranger à cet arrêt.
 
Aujourd’hui, les géants continuent à sortir de la cathédrale le 24 juillet, accompagnés des « grosses têtes » qui, elles, arrivent de la mairie. Leur symbolisme religieux a disparu, balayé au profit d’une représentation de la communauté citoyenne.

Deux références :
http://xigantes.teatroengalicia.es/significado.htm  
et cet ouvrage
D. P. P. Costantini, Notas viejas galicianas, t. II, 1925, p. 101-104
 
image_8.png image.png  (2.75 Ko)