Institut recherche jacquaire (IRJ)

A Valcabrère, un sanctuaire de pèlerinage


Rédigé par le 15 Septembre 2009 modifié le 24 Janvier 2024
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Réduite au rôle de jalon sur la route de Compostelle, l'église Saint-Just de Valcabrère abrite le tombeau d'un saint thaumaturge. Elle présente une disposition particulière peu mise en valeur car souvent mal comprise.



Eglise Saint-Just, une église de pèlerinage

L'autel surmonté du tombeau, à gauche, l'escalier permettant d'en approcher et au-dessus, les statues des saints Just et Pasteur.
L'autel surmonté du tombeau, à gauche, l'escalier permettant d'en approcher et au-dessus, les statues des saints Just et Pasteur.
Cette église présente une rareté, une petite cellule, aménagée sous le sarcophage placé, lui, au-dessus du maître-autel. Dans cette cellule (improprement appelée crypte), un malade pouvait venir passer une nuit en prières afin de se trouver pénétré par les ondes émanant du corps saint qui le surmontait. C’était là une coutume générale qui tomba ensuite en désuétude : dans son Dictionnaire raisonné d’architecture, Viollet le Duc, à l’article « autel », explique en effet qu’à partir du XVIe siècle, l’autel devint le tombeau du martyr, alors qu’auparavant il était une simple table posée devant lui. Cette construction reprend une organisation bien antérieure, remontant à l’époque carolingienne. La présence de ce tombeau et de cette "crypte" signent un sanctuaire de pèlerinage.
La consécration, en l'honneur de saint Etienne 1er martyr et des saints espagnols Just et Pasteur, date de 1200, selon l'acte de consécration retrouvé dans le massif de l'autel. Les deux frères Just et Pasteur auraient été martyrisés en Espagne, près de Madrid au début du IVe siècle. Ils sont représentés par les statues qui encadrent le tombeau au-dessus de l'autel. Ce tombeau aurait contenu les restes de saint Just.
Des photos de cette église sont présentées dans la galerie d'images.
 

Inscrite au Patrimoine mondial avec 70 autres monuments

En 1998, cette église a fait partie des 71 monuments français inscrits par l'UNESCO sur la liste du patrimoine mondial "au titre des chemins de Compostelle". Pourquoi cette distinction, parce que, selon le dossier d'inscription : " Les pèlerins de Saint Jacques de Compostelle, passant en Espagne par la vallée de Luchon et le col de Vénasque, s'arrêtaient à Saint-Bertrand de Comminges et à Saint-Just de Valcabrère pour y faire leurs dévotions ". Cette affirmation n'est étayée par aucun document ni même un récit d'un seul pèlerin déclarant être passé par là. Il est permis de penser que des pèlerins allant à Compostelle se soient arrêtés à Saint-Just mais il n'y a pas de raison justifiant une inscription au patrimoine mondial à ce titre.
Cette inscription repose sur une croyance largement répandue à l'époque de l'inscription et qui perdure encore aujoourd'hui malgré les progrès de la science historique. Cette croyance est traduite ainsi par les experts de l'ICOMOS (International COuncil on MOnuments and Sites, en français Conseil International des Monuments et des Sites) :
" Tout au long du Moyen âge, Saint-Jacques-de-Compostelle fut la plus importante de toutes les destinations pour d'innombrables pèlerins venant de toute l'Europe. Pour atteindre l'Espagne, les pèlerins devaient traverser la France, et les monuments historiques notables qui constituent la présente inscription sur la Liste du patrimoine mondial étaient des jalons sur les quatre routes qu'ils empruntaient ".
Voila donc un sanctuaire local français réduit au rang de jalon d'un hypothétique chemin conduisant à un sanctuaire espagnol.

Une tombe vite attribuée

Une vitrine dans l'église présente les vestiges trouvés dans une tombe et les attribue à un pèlerin de Compostelle
Une vitrine dans l'église présente les vestiges trouvés dans une tombe et les attribue à un pèlerin de Compostelle
Des sondages effectués en 1985 ont révélé que l'absidiole nord abritait la tombe d'un pèlerin du XIVe siècle. Cette tombe renfermait quelques vestiges, résidus ligneux, coquille, médaille, grelot, pièce de monnaie ... L'enthousiasme suscité par cette découverte, conjugué à la croyance précitée, en fit immédiatement un pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle, ce que confirme aux visiteurs une vitrine visible dans l'église.
La demande d'inscription au Patrimoine mondial exploite cette découverte de la façon suivante :
" Pour certains [pèlerins de Compostelle], avant même le passage périlleux des Pyrénées, ce fut le terme de la pérégrination : des coquilles Saint-Jacques retrouvées dans le cimetière de Saint-Just témoignent de leur inhumation en ce lieu."
 
Ainsi, ce mort encoquillé ne pouvait-il être que pèlerin allant à Compostelle ? On ne s'embarrasse pas de réfléchir à la signification de cette coquille. Ce malheureux était peut-être un Espagnol arrivant à Saint-Bertrand et, pourquoi pas à Saint-Just ? Mais en 1985 on croyait encore que tous les pèlerins médiévaux allaient à Compostelle. Ce n'était plus vrai en 1998 mais, hélas, l'UNESCO ne l'a pas su !

Une interprétation nouvelle d'un chapiteau

Le rédacteur du dossier d’inscription, même très prudemment, cherche à justifier la demande par la description du chapiteau qui surmonte, au portail, la statue-colonne dite de sainte Hélène :
« Le chapiteau représente un voyageur ou un pèlerin, inspiré par un ange et qui invite une femme également en tenue de voyage, à monter sur un cheval. Tous deux sont munis de la panetière des pèlerins ».
Malgré la prudence, le mot pèlerin apparaissant deux fois ne faisait-il pas déjà penser à Compostelle avant la brutalité de la conclusion en forme de " Y passaient par là ".

Plus prudent, le rédacteur du site Internet de la cathédrale de Saint-Bertrand de Comminges présente « une femme s'apprêtant à monter le cheval que lui présente un serviteur barbu armé d'un bâton portant un tonnelet. Derrière eux apparaît un ange dans les feuillages. Il semble encourager les deux voyageurs. S'agit-il de pèlerins ? L'un et l'autre portent une panetière en sautoir ».

Denise Péricard-Méa propose l'interprétation suivante :
Dans la mesure où les trois autres chapiteaux surmontant les trois saints représentent leur martyre, ne peut-on voir tout simplement dans celui-ci le départ de sainte Hélène pour Valcabrère, avertie par un ange qu’elle devait y apporter la relique de la Vraie Croix dont fut dotée l’église ?

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