Institut recherche jacquaire (IRJ)

1962 Le millénaire de Saint-Michel d'Aiguilhe, étape 85


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 16 Novembre 2020 modifié le 17 Novembre 2020
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Nous avons vu Mgr Quiroga faire une halte à Saint-Jacques-des-Blats, à la demande d'un curé pèlerin qui avait rêvé de Compostelle avant d'y conduire des groupes et d'inciter des paroissiens à faire le pèlerinage. Cette Lettre présente les raisons de cette invitation et répond à une interrogation.
Quel rapport y avait-il entre ce millénaire et Compostelle ?

Au mois d'août 1962, la ville du Puy reçut l’archevêque de Compostelle pour présider les festivités organisées à l’occasion du millénaire de la chapelle Saint-Michel d’Aiguilhe. Que furent ces festivités ? Mais surtout pourquoi cette invitation alors que l'évêque du Puy n'avait pas participé en 1951 à la célébration à Compostelle du millénaire du pèlerinage de son prédécesseur Godescalc (étape 71) ?



PÈLERINER RE-CONFINÉS   Etape n°85

La chapelle Saint-Michel d'Aiguilhe

Cette chapelle est élevée au sommet d’un dyke volcanique, sur la commune d’Aiguilhe, jouxtant la ville du Puy-en-Velay.
Ce dyke est une « aiguille » qui domine de 88m. la ville du Puy. Sa construction a été entreprise à la demande d'un chanoine de la cathédrale du Puy qui souhaitait " assurer ses fins dernières " en honorant saint Michel. Il avait obtenu l'autorisation de Godescalc, évêque du Puy.
Saint-Michel d'Aiguilhe au premier plan
Saint-Michel d'Aiguilhe au premier plan

Quel est le rapport avec Compostelle ?

Il n'y a aucun lien historique entre la construction de cette chapelle et Compostelle, en dehors du fait que le même Godescalc, qui était allé à Compostelle en 950-951, consacra la chapelle en 962. Par contre cette célébration, rappelant celle de 1950, eut deux conséquences importantes, la première concerne la ville du Puy, la seconde la création d'une nouvelle légende du chemin.
Le Puy acquit à cette occasion une aura qui permit plus tard aux responsables locaux de se placer comme point de départ le plus important en France (aidés en cela par la majesté de l'Aubrac).
La légende est celle de la création de la chapelle par Godescalc lui-même, en remerciement de son pèlerinage, reléguant aux oubliettes de l'histoire le chanoine donateur. Paix à son âme !


Le blason de Mgr Martin
Le blason de Mgr Martin
Le millénaire du pèlerinage de 1951avait été organisé depuis Paris, (voir étape 71) sous la direction de Mgr. Blanchet, recteur de l’Institut catholique. L’évêque du Puy, Mgr. Chappe n’y avait pas participé. Avait-il été invité ? Avait-il décliné l'invitation ? Absence étonnante alors que l’évêque du Puy de 1940 à 1948 avait été Mgr Joseph Martin, lui-même ancien pèlerin de Compostelle qui avait choisi la coquille et les étoiles dans ses armoiries d’évêque ?

En 1944, Mgr. Martin avait nommé un homonyme, le père Roger Martin, recteur du sanctuaire Saint-Michel. C'est lui qui en 1962, fut l’instigateur des fêtes du millénaire de la consécration de la chapelle Saint-Michel.
A-t-il souhaité rattraper l'absence de 1951 ? C’est à lui que l’on doit l’idée d’inviter au Puy l’archevêque de Compostelle. L’évêque de 1962, Mgr. Dolzome, l’invita en quelque sorte à rendre le pèlerinage de Godescalc en venant en pèlerinage au Puy.
Alors qu’il était déjà archevêque en 1951, Mgr. Quiroga y Palacios, accepta cette invitation avec empressement onze ans plus tard.

Godescalc symbole du pèlerinage contemporain

Ces  deux célébrations de millénaires d'événements sans rapport entre eux contribua à créer des liens durables entre le Puy et Compostelle et fit de Godescalc un symbole du pèlerinage.

Ce patronage fut revendiqué en ces termes dans un article,  signé L. Bourbon, Vice Président de la Société des Amis de Saint-Jacques de Compostelle, du livre édité par la Société Académique du Puy pour la commémoration du millénaire :

« aussi Godescalc, après avoir été l’évêque pèlerin puis le conservateur de la chapelle de Saint-Michel, peut-il être considéré comme le fondateur émérite de notre Société des amis de Saint-Jacques-de-Compostelle créée en 1950 pour célébrer ce premier millénaire du pèlerinage de l’évêque d’Anis en Galice »

Venant après les années de guerre, ce patronage médiéval contribua à calmer les divisions. Il accentua par contre l'image du pèlerinage idéalisé hérité du XIXe siècle.

14 août 1962 arrivée de Mgr. Quiroga au Puy

Le 2 juillet 1962, Mgr Quiroga avait accepté de célébrer la messe à Saint-Jacques-des-Blats sous la condition que l’heure lui « permette de partir avec le temps suffisant pour déjeuner au Puy ». Ce qui fut fait. Le 14 août, il a donc quitté Saint-Jacques-des-Blats, son curé de campagne et ses paysans pour la splendeur de la ville du Puy pavoisée pour fêter le millénaire de la consécration de la chapelle Saint-Michel d’Aiguilhe.

La suite est racontée abondamment dans la presse, y compris par Le Monde dont l’écho dans la presse nationale témoigne de l’importance politique de cette rencontre.

Il arrive, disent tous les témoins, « par la route des pèlerins du Moyen-Age ». La phrase est ambigüe : pèlerins de Compostelle ou pèlerins de Notre-Dame du Puy ? En 1962, on savait encore que les pèlerins se pressaient au Puy sans pour autant partir ensuite pour Compostelle. Mais la présence de l’archevêque de Compostelle ne laisse-t-elle pas entendre que l’évêque Godescalc a ouvert la route à des milliers d’autres ?


Mgr Quiroga reçu à la mairie, le discours du maire

La chapelle sur une gravure du XVIe siècle
La chapelle sur une gravure du XVIe siècle

Avant ce déjeuner, Mgr. Quiroga a été reçu à l’hôtel-de-ville. M. Pébellier, maire, lui adressa une longue harangue dont voici quelques extraits :

« Il y a 1000 ans et plus l'évêque du Puy, pèlerin de Compostelle, semble avoir ouvert et montré aux Français le chemin de Saint-Jacques. Aujourd’hui, Eminence, nous ressentons dans notre ville tout l'honneur de votre présence et vous disons toute la joie que nous avons d’accueillir le cardinal archevêque de Santiago de Compostelle. Depuis 1000 ans et plus le Puy-Sainte-Marie et Saint- Jacques ne sont-ils pas des villes et des sanctuaires jumeaux ? »

M. le maire tient à souligner que le mouvement n’est pas à sens unique :

Le chemin de Saint-Jacques qui se développe droit dans le ciel et qui était avant la naissance de l'homme, a marqué la grande route qui a guidé les pas des pèlerins de l'Europe vers l'Espagne et ceux de vos compatriotes, Eminence, vers le Puy-Sainte-Marie. Ce chemin de Saint-Jacques est comme un trait d'union et un lien qui unit Santiago à la cité d'Anis, la France avec l'Espagne.

Bien que personne ne sache rien du pays d’origine de Godescalc, il n’hésite pas :

N'est-ce pas merveilleux de songer que c'est un Espagnol, Godescalc, venu faire profession à l'abbaye du Monastier, qui en est élu abbé, puis évêque du Puy, et qui anime un des premiers pèlerinages français à Saint-Jacques-de-Compostelle, consacrant ensuite la chapelle de Saint-Michel d'Aiguilhe édifiée par un chanoine du Puy ?

Puis il énumère les notables et les foules qui se sont croisés sur les chemins de Saint-Jacques,  preuves de ces échanges constants et termine son discours par cette invocation :

« Puissent Saint-Jacques et le Puy rester jusqu’à la fin des temps des phares qui rayonnent la lumière de Dieu et l'espérance de l'homme ».


Réponse de Mgr Quiroga

Ensuite « le cardinal Quiroga y Palacios prit la parole, d'abord en français, pour dire son plaisir de se trouver au Puy à l'occasion des fêtes du millénaire de Saint-Michel, puis en espagnol pour exprimer la joie d'avoir suivi la route de Compostelle et d'avoir pu rendre visite aux pèlerins français qui relièrent dans leur dévotion la Vierge noire du Puy à saint Jacques

Monsieur le maire du Puy offrit à son Eminence un rochet en dentelle du Puy, dentelle célèbre dans le monde entier, et aux prélats qui l’accompagnent des ouvrages sur l'art roman ».

Nous ne savons rien du déjeuner…


Le soir une grande procession aux flambeaux, à laquelle participèrent plusieurs milliers de personnes, se déroula à travers la ville illuminée, depuis l'Aiguilhe jusqu’à la cathédrale. Un feu d'artifice, tiré du rocher Corneille, clôtura cette journée. L’embrasement final fut grandiose.

15 août 1962, point d’orgue des cérémonies du millénaire

La journée du 15 fut un triomphe. La messe pontificale fut célébrée à la cathédrale par Mgr Lebrun, évêque d'Autun, avec « présidence au trône » du cardinal Fernando Quiroga Y Palacios, en présence de  l'archevêque-évêque de Tulle et des évêques du Puy, de Coutances, de l'évêque auxiliaire de Bourges, du père abbé de Saint-Michel-de-Frigolet. L’allocution fut prononcée par Mgr Maziers, évêque auxiliaire de Lyon. Dans le même temps, Mgr Martin, archevêque de Rouen, primat de Normandie, célébrait une messe solennelle en la vaste église Saint-Laurent.

À 15 h. la grande procession de la Vierge noire, portée par les Pénitents blancs, se déroula, sous un soleil magnifique, à travers la ville pavoisée . La fête s'acheva à la nuit par un feu d'artifice tiré sur la plateforme de Notre-Dame de France et l’embrasement du rocher.
Le soir, un « mystère » de saint Michel fut joué au théâtre municipal.

Le livre d'or du millénaire
Le livre d'or du millénaire

Lors de la cérémonie de clôture, sur les grands escaliers de la cathédrale, le cardinal-archevêque de Saint-Jacques-de-Compostelle exprima sa joie de présider ce millénaire, car l'événement symbolisait les liens historiques unissant l'Espagne et la France, et particulièrement le chapitre de la cathédrale du Puy et l'église de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Pour en savoir plus sur les relations entre Le Puy et Compostelle, un article de la revue électronique SaintJacquesInfo :

La via Podiensis, un chemin de Compostelle

 

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