Institut recherche jacquaire (IRJ)

Saint Jacques passeur des âmes


Rédigé par le 1 Novembre 2014 modifié le 1 Février 2024
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Le chemin de Compostelle attire aujourd’hui des pèlerins en deuil, comme si la mémoire collective avait conservé le souvenir de l’aide apportée par saint Jacques en pareil cas. Dans les textes, saint Jacques se manifeste souvent comme étant présent à l’heure de la mort, présent pendant le temps du passage de l’âme de la terre vers le ciel, présent dans le royaume des morts et présent aussi lors de la Résurrection générale. L'étude de cette dévotion à saint Jacques montre qu'il faut principalement en chercher l'origine dans l'Epître de Jacques.



Le pouvoir d'intercession de saint Jacques

Sans que les chercheurs y aient prêté attention, un passage de l'Epître de Jacques a beaucoup influencé les fidèles au fil des siècles car il prescrit l’onction aux malades.
« L'un de vous est-il malade ? Qu'il fasse appeler les anciens de l'église et qu'ils prient après avoir fait sur lui une onction d'huile au nom du Seigneur. La prière de la Foi sauvera le patient : le Seigneur le relèvera et, s'il a des péchés à son actif, il sera pardonné. Confessez-vous donc vos péchés les uns aux autres et priez les uns pour les autres afin d'être guéris » (Jc, 5-14)
Dès le temps de Charlemagne, l’évocation de l'onction de saint Jacques figure, dès avant la découverte du tombeau de Compostelle, dans le concile impérial de 813 de Châlon, canon 51. Par delà l'onction,  saint Jacques devient intercesseur
La Chronique de Turpin montre l’efficacité de ce pouvoir d’intercession de saint Jacques, présent lors de la mort de son premier pèlerin Charlemagne. Satan explique lui-même à Turpin :
« Saint Jacques m’enleva son âme et la remit aux mains du Roi Suprême. C’est lui qui a mis dans la balance tant de pierres et tant de bois qui ont servi aux églises élevées par lui que ses bonnes œuvres ont pesé plus que ses péchés ».

De très nombreuses reliques facilitaient le recours à saint Jacques

Carte des reliques de saint Jacques (en bleu, disparues ; en rouge, existantes)
Carte des reliques de saint Jacques (en bleu, disparues ; en rouge, existantes)
La carte ci-contre montre le grand nombre de sanctuaires locaux où étaient vénérées des reliques de saint Jacques. Chacun était l'objet d'un pèlerinage. Ainsi à Echirolles, les échevins de Grenoble sont allés chaque année, jusqu'en 1721, implorer saint Jacques contre les crues du Drac.
Un corps de saint Jacques était vénéré à Toulouse, un autre à Angers. La Fondation a publié en 2006 un ouvrage relatant cette histoire d'Angers.
Dans tous ces sanctuaires la légende de saint Jacques était racontée. Ils ont contribué au renom du sanctuaire galicien. Mais tous les pèlerins qui venaient y prier n'allaient pas à Compostelle.

De l'Epître au sacrement

Si l'onction des malades a été pratiquée très tôt, selon le précepte de l'Epître, l'Eglise n'en a codifié la forme sacramentelle qu'au XIIe siècle, sous le nom d'extrême onction administrée aux mourants. La référence au texte de Jacques demeure.  Il se retrouve transcrit, avec des variantes, dans un grand nombre de manuscrits canoniques et liturgiques, comme par exemple à Bourges dans l'un des canons synodaux :
C'est pourquoi selon le précepte du bienheureux apôtre Jacques avec lequel les décisions des Pères (de l'Eglise) sont en accord, les infirmes doivent être oints par les prêtres d'une huile bénie par les évêques

Au XIIIe siècle Guillaume Durand dans son Rational des divins offices. 
« Huitièmement, nous devons parler de l’extrême-onction que…selon le précepte de l’apôtre saint Jacques, on donne à ceux qui combattent leur dernier combat … Cette onction remet les fautes vénielles, selon cette parole de saint Jacques : quelqu’un de vous est-il malade ? ».
En 1396, l’article CVI des statuts synodaux du diocèse de Tours continue de se référer à cette même épître. 

​Le chemin de Saint-Jacques mène au Paradis.

Dans l’un des sermons de Calixte II, naît l’image qui fait de la Voie Lactée le chemin des âmes : 
« Et ainsi que la descendance d’Abraham grandira jusqu’au sommet de la terre et sera élevée jusqu’aux étoiles de la même façon les pèlerins de saint Jacques grandiront sur terre chaque jour et seront conduits, par-dessus les étoiles, à la Patrie céleste avec lui ». 
Au temps de Dante  l’idée est unanimement adoptée du « ciel étoilé qui montre la Galaxie, c’est-à-dire ce cercle blanc que le vulgaire appelle Chemin de saint Jacques ». Puisque la Voie lactée est le lieu du grand rassemblement des âmes en route pour le royaume des morts et que saint Jacques est le meilleur guide, il n’est pas mieux qu’un pèlerin pour aider les vivants à accompagner le mort durant les premiers jours de séparation. Dans cette route vers la mort le pèlerin apparaît comme un personnage symbolique essentiel. 
Mais la mort ne se réduit pas à un instant. Elle s’étend sur une longue durée, un « temps de la mort  », sorte d’errance où l’âme est en attente de son devenir. Pour les vivants, cette période coïncide avec le temps qui succède au choc de la mort et amorce le travail de deuil. Le long voyage vers le Ciel des âmes récemment libérées exige des prières, dont on retrouve une trace dans plusieurs prières médiévales. 

​Saint Jacques accueille les âmes au Royaume des Morts.

La dévotion à saint Jacques va au-delà de l’aide qu’il apporte à l’heure de la mort. Pour nombre de fidèles, il est l’un des personnages majeurs qui règne au Ciel, au bout de la Voie Lactée. Une image de la fin du XVe siècle montre l’arrivée des âmes au Paradis, en deux longues files qui sont conduites chacune par un saint Jacques pèlerin. Ce Paradis est un jardin au centre duquel est une fontaine de Vie sous forme d’un Pressoir mystique , alimentée du sang du Christ. Dans le miracle III du Codex on voit encore saint Jacques accueillant les âmes, décrit par
« l’enfant revenu à la vie [qui] se mit à raconter aux présents réunis de quelle manière le bienheureux Jacques avait accueilli son âme, sortie de son corps le dimanche à la 3e heure jusqu’au samedi à la 9e heure, dans son sein c’est-à-dire dans le repos éternel et de quelle manière il l’avait remise dans son corps. Il l’avait pris par le bras droit et l’avait sorti de la mort ».

​Saint Jacques à l’heure du Jugement Dernier.

Brive, tombeau Biraud
Brive, tombeau Biraud
Les fidèles sont tellement persuadés de la présence de saint Jacques à l’autre extrémité de la Voie Lactée qu’ils ne ménagent pas les fondations pour obtenir son intercession jusqu’à la Résurrection finale. A ce titre, saint Jacques figure sur des scènes de Jugement dernier, elles-mêmes placées sur des tombeaux. L’un des plus beaux exemples est celui offert par une stèle funéraire découverte en 1877 dans l’église Saint-Martin de Brive-la-Gaillarde. Il s’agit d’une pierre rectangulaire datant du XIIIe siècle, sculptée sur deux registres qui figurent le temps qui sépare l'heure de la mort de celle du Jugement dernier. Saint Jacques est présent lors de la pesée des âmes et lors de la Résurrection des Morts. Les images sont complétées par une inscription de trois lignes, disposée au-dessous du programme iconographique : 
“ Biraud Mareschalc, bourgeois de Brive mourut —qu’il vous en souvienne— le 15e jour du mois de septembre et le millésime était, quand il trépassa, 1257. Il était grand bourgeois de Brive et de Turenne. Que Dieu lui donne un bon repos. Amen. ” .
… Quelques années plus tard, vers 1465, et comme en écho, le livre de la confrérie Saint-Jacques de Toulouse érigée en l’église Saint-Jacques proche de la cathédrale, en 1513 s’ouvre sur une image pleine page représentant un Jugement dernier portant en légende : 
Le grand Jugement qu’attendre nous devons 
Lors duquel le Sauveur jugera nos offances 
Ses mains, le costé, le piés nous montran 
Ses souffrances, prions-le d’estre lors 
Mis au nombre des bons

On ne saurait mieux exprimer l’espoir que saint Jacques aidera ses confrères à être mis parmi les élus.

L'espoir des confrères de Toulouse

Saint Jacques passeur des âmes

Pour approfondir

Cet article est un extrait d'une publication beaucoup plus complète et documentée de Denise Péricard-Méa publiée par la revue électronique SaintJacquesInfo