Institut recherche jacquaire (IRJ)

L’Hôpital Saint-Jacques-aux-pèlerins de Paris, un lieu d’accueil des pèlerins. XIVe et XVe siècles


Rédigé par Isabelle Rousselin le 20 Juin 2023 modifié le 10 Septembre 2023
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Cette étude est réalisée à partir des archives de l’hôpital conservées aux archives l’Assistance Publique des hôpitaux de Paris, principalement les livres de comptes. Elle rend compte de la vie et l’esprit qui ont régné dans cet établissement de la rue Saint-Denis. L’hôpital est un lieu d’accueil, une étape sur les chemins de pèlerinage qui passent par Paris. Il est aussi un but de pèlerinage, objet d’un autre article. La confrérie Saint-Jacques-aux-pèlerins l’a fondé et en assure la gestion.



Table des matières

L’hôpital : une étape pour des pèlerins 
Paris, carrefour de routes 
Les hôtes de l’hôpital 
Qu’offre-t-on à ces passants ? 
Des secours matériels 
Des secours spirituels 
Accueillir les pèlerins 
La confrérie et l’hôpital 
Fondation 
Gestion de l’hôpital 
Conclusion 

L’hôpital : une étape pour des pèlerins

 Paris, carrefour de routes 
L’examen d’une carte fait apparaître Paris comme un carrefour des itinéraires susceptibles d’être empruntés par un grand nombre de voyageurs. L’hôpital se présente donc tout d’abord comme la réponse « standard » à un besoin général, des archives1  nous permettent d’en comprendre le fonctionnement. Comme tous, il accueille les pauvres, les malades et les pèlerins2., même si son nom semble privilégier l’accueil des pèlerins. Il est important de souligner d’emblée que cet accueil concerne tous les pèlerins. Dans un document du XVe siècle, il est ainsi fait explicitement allusion à des pèlerins en grand nombre qui se dirigent vers le Mont-Saint-Michel3
  • “ depuis le 1er jour d’aout (1)468 jusqu’au jour de monseigneur saint Jacques  et saint Xophe ensuivant ont été logés et hebergés en l’hospital de ceans 16 690 pèlerins qui aloyent et revenoient au mont saint Michel et autres pèlerins et pauvres ” 
Certes le pèlerinage au Mont connaît un grand essor à cette époque, mais on peut penser à d’autres pèlerinages comme celui de Boulogne-sur-mer, Tours (tombeau de saint Martin)ou même celui de Rome  dans la mesure où l’église de l’hôpital abrite une confrérie destinée à promouvoir le pèlerinage romain, créée à l’occasion du Jubilé de 13504. Mais il existe aussi des pèlerins qui arrivent pour aller à Pontoise, Saint-Maur-des-Fossés ou Longpont, pour ne citer que quelques lieux voisins de Paris.

Les hôtes de l’hôpital
On ignore souvent le but de pèlerinage des pèlerins étrangers. On rencontre par exemple quelques Allemands5  de Cologne ou d’Aix la Chapelle, des habitants des actuels Pays Bas et de la Belgique.Mais les pèlerins originaires de la France du nord et de l’est, d’Arras ou de Chalons-sur-Marne par exemple et qui n’habitent parfois qu’à quelques jours de marche de l’hôpital sont aussi amenés à s’y arrêter. Ces pèlerins doivent être le plus souvent à pied, mais l’hôpital dispose aussi d’écuries pour leurs éventuelles montures. Enfin, une tapisserie donnée à l’hôpital représente des pèlerins qui effectuent leur pèlerinage par voie d’eau : cela est possible pour les pèlerins originaires des Iles Britanniques ou de Scandinavie ou ceux qui, en continuant vers le sud, descendent la Loire d’Orléans ou de Tours. A la sortie de Paris, les pèlerins ont le choix entre deux itinéraires : celui qui traverse Chartres, Vendôme et Châteaudun ou celui d’Orléans. L’hôpital Saint-Jacques-aux-pèlerins 
Une image contenant art, peinture, arbre, château    Description générée automatiquement
Façade sur la rue Saint-Denis. Le portail, surmonté du tympan sculpté, encadré de deux grandes statues
Paris, musée Carnavalet, lithographie de Barousse, entre 1825 et 1829 (date de démolition)
Des secours matériels
Les personnes reçues à l’hôpital sont accueillies dans une grande salle où sont une vingtaine de lits, ce qui permet de coucher une cinquantaine de personnes6. Comme nous l’avons déjà souligné, ce ne sont pas uniquement des pèlerins, mais aussi des pauvres passants, qui sont plus souvent mentionnés que les pèlerins :
 
en icelle eglise hofpital et fondation sont receus chacune nuit et hebergés ciquante pauvres ».
Ouvert aux hommes aussi bien qu’aux femmes lors de sa fondation, il semble que l’hôpital soit par la suite réservé aux hommes. (Peut être à cause de la fondation d’un hôpital destiné aux femmes par un confrère, Jehan Lenglais, au milieu du XIVeiècle)7

Leurs biens sont mis dans un coffre8  dont le trésorier ou le clerc de l’hôpital garde la clé, ils leur seront remis à leur départ ou resteront la propriété de l’hôpital s’ils viennent à y mourir9. Avant de se coucher, les pauvres peuvent recevoir du pain et du vin10  (vin qui peut être remplacé les mauvaises années par de la cervoise). Ces denrées proviennent des terres labourables ou des vignes que l’hôpital possède dans la région parisienne, ou de dons11, elles peuvent aussi être achetées. Cependant, certaines années, il semble que ces distributions soient faites dans la limite des réserves disponibles. 

En hiver, du charbon est acheté pour chauffer « les mains des prêtres (qui disent la messe) et les pieds des pauvres » (c’est ainsi que la dépense apparaît dans les livres de comptes). Une lampe et des chandelles de suif permettent aux hôtes de l’hôpital de se lever la nuit pour aller aux fosses d’aisance ; un baquet et des seaux sont à leur disposition pour une toilette succincte. En revanche, les soins médicaux prodigués aux malades éventuels semblent assez rares. On note tout de même dans l’entourage de l’hôpital (en tant que donateur ou voisin12) des barbiers, physiciens ou chirurgiens qui y sont peut-être appelés exceptionnellement. En règle générale, l’hôpital qui est en fait, essentiellement un lieu d’accueil, une sorte d’auberge, envoie ses malades à l’Hôtel-Dieu, hôpital au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Il possède en effet une civière réservée à cet effet13. Dans certains cas, il doit prendre en charge une personne décédée dans ses murs : la cérémonie d’inhumation semble assez sommaire car on n’en trouve pas de trace dans la comptabilité, si ce n’est l’achat d’un coffre en bois pour mettre le corps14. L’hôpital dispose d’un cimetière réservé à ses habitants15.

Pour revenir aux pèlerins, il faut considérer que toutes les étapes sont de petits aboutissements avant d’arriver au but de leur pèlerinage. A ces étapes, ils sont assurés de trouver des lieux où reprendre des forces matérielles, mais aussi spirituelles à partir des sacrements et de la prière. Il est donc inconcevable d’envisager un hôpital sans une chapelle. Les deux structures étaient dans notre cas construites sur le même modèle architectural, disposées de manière symétrique de part et d’autre de l’allée dans laquelle le pèlerin s’engage quand il a pénétré sous le porche d’entrée. A l’origine, il semble qu’une seule structure abritait la chapelle et la salle des pèlerins, ce qui oblige, dans les premiers comptes, à préciser « l’hôpital où gisent les pèlerins »16  pour la différencier de la chapelle surnommée « de l’Ospital ».
 
Ces pèlerins viennent le plus souvent en dehors des périodes de fêtes de l’hôpital, ils ne bénéficient donc que d’un service minimum qui, comme nous allons le montrer est déjà important.
Des secours spirituels
En effet, la permanence de la prière et l’assurance d’avoir un prêtre à disposition pour recevoir les sacrements de pénitence et communion sont possibles grâce à la présence au sein de l’hôpital de 4, puis 5, 6, 7 et jusqu’à une vingtaine de chapelains. Une dizaine d’entre eux est tenue de réciter les heures canoniales, si bien qu’ils en viennent peu à peu à prendre le titre de chanoines. Leurs psautiers, attachés par des chaînes aux stalles restent en permanence dans l’église, ce qui permet à des pauvres prêtres de les utiliser aussi, et peut-être même aux fidèles. Trois messes sont également chantées chaque jour17. Enfin, il faut savoir que la première messe basse, une messe du jour est dite spécialement pour les pèlerins et hôtes de l’hôpital18  : elle est en effet célébrée, de bon matin, dans la chapelle la plus proche de la salle où ils dorment, afin qu’ils puissent l’entendre avant de reprendre la route.

Enfin, il faut noter l’importance du luminaire de l’église. La quantité de cierges brûlés chaque année est aussi la preuve du passage de fidèles. On note enfin une pratique qui consiste à faire des dons en cire sous forme de tablette où est inscrite une intention ou dessiné un angelot. Cette cire vierge permet de réaliser des cierges et des chandelles pour l’église. Elle est très soigneusement gérée.L’activité spirituelle qui règne à Saint-Jacques-de-l’Hôpital est donc intense, si bien que lorsque dans la première moitié du XVe siècle, Guillebert de Metz parle de Saint-Jacques, dans sa description de Paris19, il l’évoque au chapitre des collèges (église collégiale) en précisant « saint Jacques dite de l’Ospital »: elle apparaît donc finalement d’abord comme une église. La confrérie depuis ses origines a aussi pour vocation d’accueillir les pèlerins et futurs pèlerins. Son aire d’influence s’étend au delà de la ville de Paris, jusqu’à Amiens20. Très vite, la confrérie accepte comme confrères des personnes qui n’auraient pu effectuer le pèlerinage à Compostelle pour des raisons de santé valables21. En voici deux exemples :
« de Ameline lamercière pour estre receu en suer laquelle est impotente : iv livres » « Pierre de Senlis bourgeois de Paris de l’age de 70 ans ou anviron recongnut que pour la vraie devocion que il avoit envers l’eglise, confrairie et hospital de Monseigneur S Jacques (…) et afin que doresnavant il soit tenus nommez et reputez pour confrère d’icelle confrairie, il qui pour la faiblesse et impotence de sa personne ne pouvoit personelement avoir fait ne faire le viage et pèlerinage a S Jacques en Galice lequel il avoit promis faire. Pour et en lieu des despens que il peust avoir faiz audit veige se il y feust alez en sa personne, avoit donné a lad eglise (…) lx sous parisis de crois de cens sur une maison sous réserve de l’usufruit ».
Ils doivent tout de même verser à l’hôpital l’équivalent des frais qu’aurait occasionné ce voyage. Cette tolérance est permise par la bulle Impotens22, promulguée dès 1324 par le pape Jean XXII, régulièrement recopiée tout au long du XIVe siècle23. Cela permet sans doute à la confrérie d’accueillir de riches bourgeois qui par leurs dons aident l’hôpital à prospérer. Au XVe siècle, cette bulle n’est plus recopiée, il semble que la confrérie se raidisse un peu sur la question du pèlerinage, si bien que dans ses statuts daté de cette époque, il n’est pas même fait allusion à cette possibilité : pour pouvoir prétendre entrer dans la confrérie, il faut être allé à Compostelle. Au milieu du XVe siècle, par exemple, la confrérie n’accepte qu’avec prudence une personne dont le pèlerinage n’est pas attesté officiellement24.

«  De Bernart de confite serviteur de monseigneur le vicomte de nerbonne qui  se mit en la confrairie en juin 80 et affirma avoir fait le voyage xiv sous pour son entrée et a payé vi s pour vi années de ses aumônes et luy doit on le mantellet : xx sous parisis »
De même, à l’occasion de l’appel lancé par les maîtres et gouverneurs pour lambrisser les salles où siège la confrérie25, le don d’une personne est refusé sous prétexte qu’elle n’a pas été reçue dans la confrérie.Les règlements du XVe siècle demandent aux pèlerins de venir se faire bénir avant leur départ, par un prêtre de l’hôpital26
 
« Premièrement est à noter qu’il est accoustumé de toute anciennecté que quant aulcunes personnes ont dévocion d’aller audit saint voiage de monseigneur saint Jacques, ilz viennent salluer le benoist apostre en l’église de céans ; et sont benoistes leurs escharpes et bourdons, par le trésorier ou aultre de ladite eglise par lui commys ».
A leur retour, ils ne semblent pas être accueillis de manière particulière, si ce n’est lorsqu’ils sont aussi illustres que le comte de Valois27. Certains passent à l’hôpital pour y donner leur cheval28. Une cérémonie marque, le jour de la Saint-Jacques, leur admission dans la confrérie. Mais accueillir les pèlerins dans ce quartier bourgeois de Paris, cela peut aussi signifier accueillir de riches marchands étrangers. En effet, quand on examine les noms des confrères ou des personnes qui fréquentent l’hôpital, on remarque qu’une grande partie d’entre eux porte un nom à consonance étrangère ou qui le marque comme tel : Lombart, Lallemand, Lenglais. Un autre porte le nom de Filleul, ce qui pourrait faire penser qu’il a été parrainé par la confrérie ou l’un ou l’autre de ses membres. On sait en effet qu’à Paris, pour pouvoir participer au commerce sur l’eau, les étrangers avaient l’obligation de s’associer à un marchand parisien29. L’aide apportée à des confrères marchands peut aussi se manifester par la garde, au Trésor de l’hôpital, du coffre d’un marchand30, ou la permission pour un marchand de bétail de mettre son troupeau dans le cloître31.

« Etienne laignelet pour ce que ses brebis furent deux jours a l’hospital : xvi sous » 
Pour un marchand, effectuer un pèlerinage à Compostelle pouvait se réduire à un petit détour sur une route commerciale. Petit détour qui peut être rentabilisé par l’obtention d’une indulgence et l’assurance d’avoir rallié le saint à sa cause. Ensuite, cette expérience commune avec leurs homologues parisiens leur permet de rejoindre leur groupe par le biais de la confrérie. Paris est en effet à la fin du Moyen Age un important centre commercial, notamment pour les produits de luxe. De plus, l’hôpital se trouve dans le quartier des artisans (l’ancienne porte Saint-Denis auprès de laquelle il a été fondé s’appelle aussi la Porte-aux-peintres), les halles ne sont pas loin non plus. 
L’emplacement de Saint-Jacques-aux-pèlerins
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A l’angle de la rue Etienne Marcel et de la rue Saint-Denis (2007)
Or parmi les confrères, on note la disparition progressive des nobles, seigneurs, chevaliers ou écuyer. En revanche, les bourgeois, marchands, changeurs, avocats constituent l’essentiel des maîtres et gouverneurs. En même temps, ils assurent parfois le ravitaillement de l’hôpital de manière suivie, notamment en cire pour l’église ou plus ponctuellement à l’occasion du siège, ce qui permet de constater une diversité assez importante dans les produits : vins de toutes les régions de France ou produits de luxe rares. Les déplacements qu’ils font pour leurs affaires leur permettent parfois de rendre service à l’hôpital : c’est le cas en 1442 lorsqu’un lombard se voit confier de transmettre des lettres au pape à Florence32  :

« a Francoys fanouche lombart auquel a efte baille par les gouverneurs la somme de trois efcus dor VII livres et VIII deniers pour les faire delivrer par bulette en la ville de Fleurence là ou eftoit neuve faint pere pour bailler iceulx qui feront les diligences et autres chofes quiferont a faire par lediz memoires et fuplicafions : lxxii sous viii deniers »
Leur richesse personnelle leur permet également de faire des dons d’objets précieux : reliquaires, tapisserie, objets ou ornements liturgiques, etc33. Ces objets ont malheureusement été perdus mais leur description nous permet d’imaginer leur richesse et les chiffres sont là qui attestent de leur valeur. Toutes ces richesses sont gardées dans la salle du Trésor – sorte de réserve attenante à l’église qui est aussi le bureau de l’hôpital - soigneusement surveillée et inventoriée régulièrement. Cette confrérie est pratiquement unique en son genre, composée de nobles et de riches marchands. On en trouve une seule autre, qui fut peut-être calquée sur celle-ci, celle de Blois. A ces deux rôles exercés par la confrérie depuis ses origines (la prière pour les défunts et l’accueil des nouveaux pèlerins) mais qui ont évolué au cours du temps s’en ajoute un troisième, qui est peut-être lié au fait qu’en 1315, le roi Louis X le Hutin accorde aux confrères le droit de s’assembler aux Quinze-Vingt, hôpital réservé aux aveugles de Paris34. Aux contacts avec des miséreux, germe dans l’esprit de ces anciens pèlerins l’idée d’ouvrir dans leur quartier un lieu d’accueil pour les pèlerins et les pauvres de passage.

La confrérie et l’hôpital Fondation
Afin de rassembler les fonds nécessaires à la construction de l’hôpital, les confrères font appel à la générosité des riches parisiens tant nobles que bourgeois. Parmi les 93 donateurs Charles de Valois côtoie ainsi Geoffroy Coquatrix35  qui tous appartiennent à la confrérie.La construction de l’hôpital s’étale sur cinq années de 1319 à 1324. Le terrain sur lequel il s’élève donne sur la rue Saint-Denis, voie d’entrée directs dans Paris.Par la suite, les travaux d’agrandissement, embellissement et même de modernisation ne cesseront pas. En 1400, l’hôpital s’étend sur la totalité du pâté de maisons dans lequel il a été fondé : les bâtiments s’organisent autour du cloître et du cimetière36.
« le circuite et pourpris desd eglise et h d’anciennenté contient : c’est assavoir de puis l’hostel d’ardoise assiz en la grant rue saint denis tout au long de lad rue jusques au coing de la rue de Mauconseil et depuis led coing tout au long d’icelle rue jusques a une masure ou place wide ou souloit avoir estuves assises en ladite rue de Mauconseil et faisans les coings de la rue Marderel et dudit Mauconseil par devers et du costé desdits eglise et hospital ; ouquel circuite ou pourpris sont situez les cimetières, cloistre, sales aux pèlerins de monseigneur saint Jacques, puis court, maisons, edifices et lieux esquelx sont logés et demeurent les chanoines, chapelains et clercs et serviteurs desdits eglise et hospital a cause de leurs prebendes et benefices ayans d’anciennenté entre autres leurs entrées et issues a portes et uysseries ouvrens et fermens es rues du cigne et joignant des maisons et edifices de jehan Rosnel et se femme… »
Un personnel régulier est entretenu37. Les hôtes de l’hôpital sont aussi parfois des confrères qui achètent une prébende et un logement dans le cloître de l’hôpital contre le don d’une rente.38
Gestion de l’hôpital
La confrérie joue le rôle d’une réserve financière pour l’hôpital. En effet, il arrive fréquemment aux maîtres et gouverneurs de faire appel aux confrères pour financer des projets précis39. Un exemple durant l’année 1391-1392 :
« recepte dautres dons et promesses de pluseurs des confrères et sueurs de la confrairie dudite hospital donnés pour aider a lambruissier lallee du Moustier laquelle a este lambruissee en ceste presente annee, de plusieurs diceulx confreres et sueurs fu receu en plain siege, au disner qui fu lan M CCC III xx et XI le XXX eme jour de Juillet , auquel siege avoit este ordoné de par le conseil que aucuns des vielx gouverneurs se leveroient et yroient parmi les tables disans audis confreres et sueurs, se il y a aucun de vous qui ait sa devocion a aider a fere lambruissier lallee dessus ditte, si se face mettre en escript ou donne presentement la devocion, des quielx vielx gouveneurs se leverent Gautier de Sennencourt martin de Boissy Girard le Brayer et Jehan de Nangis lesquielx firent le queulette par ledit disner qui monta a la somme de XIIII£ XV S VIIId ».
Enfin, la confrérie, notamment à travers ses maîtres et gouverneurs doit gérer l’hôpital qu’elle a fondé. Pour cela, ces derniers engagent un personnel spécialisé et compétent que nous examinerons plus tard, mais surtout, s’entourent des membres les plus aptes à les soutenir dans cette lourde tâche40

« compte rendu des diz Philippe et Jehan l’an de grâce 1327 la veille de Notre Dame mi aout.  pour ce que plus tot , n’avoient pu assembler en la presence de Jehan Gencian, lors prevot des marchands, Gieffroy de Dampmartin, Pierre des Essarts, Nicolas Blondiau, Nicolas Petit, Michel le Flamanc ; Guillaume Pied ‘oe, Symon Biau dehors, Denis Care, Nicoals parente, Jehan Pourdon peletier, Phelippe de puisiais, Martin le gantier, touz les deans et plusieurs autres ».
Se réunit ainsi ponctuellement le conseil de l’hôpital, composé essentiellement d’avocats, gens de lois ou financiers, mais aussi riches marchands influents ou personnages de l’entourage du roi. Ces marchands assurent une gestion rigoureuse de l’hôpital comme en témoigne la collection presque complète des livres de comptes (parfois avec leur brouillon) que nous possédons encore aujourd’hui. L’économie la plus stricte règne dans la comptabilité : vente des produits des destructions de maisons, entretien des arbres fruitiers et de la treille du cimetière, réutilisation de la cire fondue des cierges, entrepôt de toutes sortes de biens donnés ou achetés au trésor ou au cimetière.
Conclusion
L’hôpital Saint-Jacques-aux-pèlerins fut d’abord un lieu d’accueil voulu par un groupe d’hommes et de femmes constitué autour de saint Jacques, se mettant au service des pauvres dans la tradition des œuvres de Miséricorde. Parmi ces pauvres, il recevait des pèlerins se rendant vers l’un ou l’autre des sanctuaires proches ou lointains. Nous verrons qu’il fut aussi un sanctuaire de pèlerinage. Aujourd’hui ce type d’établissement n’existe plus.
Notes
1   Il y a deux inventaires des archives de l’hôpital. Le plus ancien (manuscrit) m’a été très précieux car de nombreuses pièces qui ont disparus ou brûlé y sont recopiées. Quand je ne précise pas à quel inventaire se rapportent les cotes que je mentionne en note, c’est qu’il s’agit de l’inventaire officiel (imprimé).
2   La Coste-Messelière, Sur les chemins de saint Jacques, Paris, 1999 - page 27 ; « La croisée de Paris », catalogue de l’exposition Carrefour des routes de Compostelle, Paris, mairie du Xe, 1982.
3   Archives de l’AP, fonds saint Jacques aux pèlerins, Cote 160, pièce du XV (inventaire manuscrit).
4   Liasse 4, cote 27 : Lettre du roi Jehan ( 19 octobre 1350) autorisant Symon Dorestbien, Jehan d’Etampes, Nicolas Dudoit, Jehan Marie, Nicolas Godemen, Roger de la Gastine, Guillaume de Ermenonville et plusieurs autres de fonder une confrérie et de faire celebrer des messes an l’h saint Jacques pour contribuer a exciter la devotion du peuple et les pelerinages à Rome en cette annee de jubilé 1350 – confirmation par l’eveque de Paris, penultième mai 1351.
5   Compte de l’année 1445 : « pour avoir fait porter en une civière à l’Hoftel-Dieu un povre pèlerin allemand qui était malade ».
6   Dans  la nomination par le roi Charles VI par la vertu de son joyeux avènement de Jehan dit Vermiet comme frère de l’hôpital en le 23 janvier 1380 (Archives de l’Assistance publique, fonds Saint Jacques aux pèlerins, 9chartrier, Cote 333).
7   On lit en effet dans les livres de comptes du milieu du XIVème siècle au chapitre des dépenses : « pour les costes aux bonnes femmes de l’Ostel Dieu Jehan Langlois : VI livres II sous » (Compte de l’année 1348-1349).
8   Compte de l’année 1395-1396 : Remplacement de la « huche des povres qui estoit toute porrie ».
9   Année 1424-1425, « dons et legs : xvi sous trouvés dans les bourses de deux pèlerins morts à l’hôpital ».
10   Dans la pièce décrite note 4 : « chacun desquels (pauvres) pour leur refection et pour mieux et plus convenablement avoir leur repos est livre le quartier d’un pain d’un denier et un godet de vin dont le trois font une chopine »
11   Compte 1334-1335 : « Pour relier a plain iii queues tonniaus de vin pour les pauvres, ii tonniaus que le duc de bourgogne donna et qui estoit de viez a l’ostel : xii sous ».
12   Compte de l’année 1324-1325 : « don ” de Jehan de Pavilly, fizician » envoie 100 sous à l’hôpital.
13   Compte 1422-1423 : « une civière à porter gens malades pour ledit hospital » - voir aussi note 5.
14   Compte 1399-1400 : « un coffre à mettre les corps sui trépassent à l’hospital : x sous ».
15   Arch. Nat., cote 4875B : Bulle de fondation de l’Hospital et chapelle Saint-Jacques, d’un trésorier et trois chapelains avec leurs clercs par Jean XXII, le 18 VII 1321.
16   Année 1343-1344 
17   Messe du saint Esprit ou de la Vierge, messe des trépassés ou de saint Jacques, messe du jour.
18   Messe fondée en 1396 par Robert du Val à l’autel saint Eloi (cote 86 de l’inventaire manuscrit)
19   Description de la ville de Paris au XVème siècle par Guillebert de Metz, publiée par M. Le Roux de Lincy, Paris, 1855.
20   Année 1426-1427, « don : de pierre lofte et sa femme de clamart, aumônes de nouveaulx pelerins sur xxii sous quil devaient xx sous parisis » et  « de laurens saumalle, bourgeois damiens, aumônes de xi ans xxii sous parisis » - Année 1432-1433 : « Jehan de serny de haubervillierpour les aumônes de luy et sa femme » - Année 1433-1434 : « de jehan du tertre de monceaux ».
21   Compte 1348-1349 et et dans le 12ème paquet de l’inventaire manuscrit, pièce de 1354, le18 août.
22   Cote 160 de l’inventaire manuscrit : Bulle du pape Jean XXII contenant la permission de recevoir en la confrérie des pèlerins « ceux qui ayant fait vœu de faire le voyage en auroient este empeschéz par maladie ou vieillesse, en payant ce qu’il cousteroit pour aller et revenir » (4 des nones de  mai 1324).
23   Compte de l’année 1324-1325 : « copie de la bulle des ympotans ».
24   Compte 1479-1480.
25   Compte de l’année 1496-1497
26   B.H.V. P, NA 38, fol.7
27   Compte des années 1319-1324 : « Pour xj aunes et demi de drap de quoi monseigneur de Valois et ses compagnons furent vestus au revenir de Saint Jacques, pour chascun aulnes : xxvij sous ».
28   Don fréquents au XIVe (plusieurs chevaux donnés entre 1319 et 1324, un en 1325, un en 1326, un en 1327, encore un en 1380 : « un cheval donné par jehan de dinant de retour de saint Jacques : civ sous », en 1390) mais qui disparaissent quasiment ensuite. 
29   Favier, Jean, De l’or et des épices, Chapitre III, partie « Intermédiaires et partenaires ».
30   Compte 1482-1484 : « de leritier dun mercier qui est trepasse en la ville de Rams qui avoit mis en garde en l’hospital certains coffres lesquels il a recouvres donne xvi sous »
31   Compte 1367-1368 : Etienne Laignelet a été administrteur de la confrérie en 1357-1358, il continue à prendre part activement à la vie de la confrérie en assistant à la remise des comptes par exemple.
32   Il s’agit du pape Eugène IV qui transféra le concile de Bâle à Florence.
33   Exemple : le bâtonnier de la confrérie en 1426, Pierre le Verrat, escuier, seigneur de Crosne, donne  « un joyau d’argent pesant 2 marcs1/2 d’argent  fait en manière de livre pour servir et tenir par les bâtoniers le jour du siège ».
34   Arch. Nat cote 4875B.
35   Liste recopiée dans l’inventaire manuscrit.
36   Description des biens de l’hôpital dans un registre du début du XVème, recopiée dans l’inventaire manuscrit à la suite du compte 1399-1400.
37   En 1426-1427, il y a un clerc de la chapelle, trois sœurs et une lavandière, par la suite, des couples s’engagent également : compte 1345-1346 : « Jehan de Pierefonds et Aalips sa fame recevront de l’hospital chacun ii sous par semaine, ils donnent xiv livres parisis et après leur mort, l’hospital aura tous leurs biens.
38   Cote 42 de l’inventaire manuscrit : fondation faite par “ Agnès femme de feu robert jehan jadiz aumucien bourgeois de Paris iv messes par semaine pendant sa vie et une messes de requiem après sa mort . comme elle n’a pas de rente amortie, elle demande aux maistres et gouverneurs de payer pour elle le chapelain. Les Maistres et gouverneurs l’engagent de plus à  livrer « une maison bonne et convenable pour le demourer d’elle de sa chambrière audit hofpital la vie d’elle seulement laquelle maison elle tiendra franchement… ».
39   Année 1426-1427 : dons pour faire les statues des apôtres dans l’église.
40   Clôture des comptes de l’année 1326-1327. 
Pour citer ce document
Isabelle Rousselin«L’Hôpital Saint-Jacques-aux-pèlerins de Paris, un lieu d’accueil des pèlerins. XIVe et XVe siècles», SaintJacquesInfo [En ligne], L'hospitalité, Pèlerinage et société, mis à jour le : 29/02/2016,
URL : http://lodel.irevues.inist.fr/saintjacquesinfo/index.php?id=1257 
Quelques mots sur :  Isabelle Rousselin
Université de Versailles Saint-Quentin-en-YvelinesMaîtrise d’histoire médiévale, dir. Michel Zimmermann