Institut recherche jacquaire (IRJ)

Souvenirs de l’exposition de 1967 à Cadillac


le 6 Juin 2017 modifié le 1 Février 2024
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A Cadillac un espace pour les " pauvres passans pèlerins nécessiteux "

L'acte de Fondation du 2 juin 1617 comporte la clause suivante :
… ils auront en un autre lieu six lits pour les pauvres pèlerins, passans nécessiteux, auxquels ils administreront du pain et du vin et le chauffage jusques à 2 nuits s’il est besoin, et non plus, et les logeront charitablement, et logeront les autres passants une nuit ou deux s’il est besoin 
Pour un hôpital créé avec 12 lits, la proportion de lits consacrés à l'hospitalité donne une image de la situation de Cadillac en ce début du XVIIe siècle. Il n'existe plus de registres de l'hôpital permettant de dénombrer les pèlerins et accueillis et leurs destinations. Une chose est sûre, l'hospitalité y est toujours pratiquée dans deux cellules qui restent ouvertes aux pèlerins. En 2017, ce sont essentiellement des cyclistes, en route vers Compostelle.

Le 350e anniversaire

En 1967, la direction de l'hôpital souhaitait fêter l'anniversaire avec une référence à Compostelle. Le directeur adjoint, Jacques Camel, avait chevauché  avec René de La Coste-Messelière. Un contact fut pris avec lui pour recueillir ses suggestions. Il proposa d'organiser une exposition sur l'hospitalité et les confréries.
La couverture du catalogue de l'exposition
La couverture du catalogue de l'exposition

Surprise à l'arrivée de René de La Coste et premiers travaux

Mr Puiboube n'en crut pas ses oreilles lorsque je lui déclarai qu'il existait une « Société des amis de Saint Jacques » et que j'en connaissais le secrétaire général Mr le comte René de La Coste- Messelière. Personnage étrange mais érudit sur toutes questions concernant les pèlerinages de Saint-Jacques de Compostelle en Galice .
J'avais prévenu Raymond Puiboube des excentricités dont pouvait faire preuve le comte, de son irritabilité, de sa faculté à mettre le désordre partout où il sévissait, de son allure générale de grand noble désargenté mais qui, contre vents et marées, et dans les situations les plus invraisemblables, adoptait toujours une haute tenue aristocratique et je décrivais aussi son éternelle et infâme bouffarde baveuse.
Qu’importe !
Surprise malgré  tout quand on a vu arriver le comte dans sa 2 CV Citroën dont l'essuie-glace se manœuvrait encore à la main ! avec le siège passager avant élevé au rang de tabatière géante : il y déversait le contenu du paquet de tabac gris qu'il venait d'acheter, pour pouvoir, tout en roulant, bourrer sa sempiternelle pipe.
Il fut pris de la même frénésie que mon directeur.
Pour l'exposition, La répartition des rôles fut très facile : René de La Coste Messelière serait l'érudit « Commissaire de l'exposition »
Raymond Puiboube serait chargé des « Relations avec les médias » Jacques Camel en serait « l'Homme aux clefs d'or », « l'Intendant » (comprenez l'homme à tout faire !). Et à faire il y eut ...
La Coste Messelière ne s'adressait qu'à moi. Il était insatiable. A chaque minute une nouvelle idée nécessitant des moyens de plus en plus importants. Les demandes doublèrent avec l'arrivée d'une certaine Jeanine Warcollier venue seconder le comte. Toujours en retard toujours affolée, toujours angoissée qu'il y ait un détail qui cloche. Monsieur de La Coste l'aurait grondée !
Pendant ce temps-là, je faisais fabriquer, par les ouvriers de l'établissement, les vitrines, hautes et basses, verticales ou horizontales, destinées à abriter toutes les oeuvres, tous les documents que La Coste Messelière espérait (Et qui sont venus !)

Rassembler le matériel de l'exposition

Jacques Camel poursuit :
Je fus chargé d'aller chercher les documents d'archives, dans les bibliothèques, les hôpitaux, églises, les oeuvres d'art et nombre d'objets se rapportant aux pèlerinages, aux hôpitaux, à la médecine et à la pharmacopée. Pendant plusieurs jours j'ai sillonné les routes de France j'allais du musée du Louvre à Paris à celui du Prado à Marseille, entre autres, et recueillant pas mal de chefs-d'oeuvre chez des particuliers. Couchant à l'hôtel, je faisais coucher ma voiture dans les cours de gendarmerie afin d'éviter le vol de mes précieuses cargaisons. De La Coste s'était réservé l'Espagne, mais il n’est pas parti seul !!!
Monsieur Bernardet, (à l'époque, 19 ans, agent de bureau affecté à l’Economat), m'a confié :
Je me souviens de M. l’Econome, horrifié, le Directeur étant parti en Espagne avec la 403 fourgonnette des services techniques chercher une pièce importante pour l’expo et ce sans ordre de mission ... 

Le comte fait construire une maquette et dessiner une carte

Et puis, idée géniale de Monsieur le comte qui me demanda s'il n'était pas possible de construire une maquette représentant une campagne dans laquelle on verrait un village médiéval avec, hors des murs, l'ensemble hôpital, refuge pour pèlerins et locaux religieux. M. Pibouble fut emballé par cette idée.
M. Bernadet se souvient que la maquette a été conçue sur plusieurs samedis par le jeune dessinateur J-Louis Rabaud. Il fallait ensuite la réaliser.
Jacques Camel repart pour Paris acheter des petits personnages pour animer le décor. Il se souvient
 Il y eut au départ quelques volontaires, vite découragés par l'ampleur de la tâche et la minutie qu'il fallait observer (Nous travaillions à la pince à épiler !). Bientôt il ne resta plus que mon directeur et moi-même. Cette maquette très réussie est peut-être encore dans un grenier de l'hôpital
Une autre idée géniale du comte, dessiner les principaux axes de pèlerinage sur une peau de vache tannée qu'il a fournie. C'est à moi qu'échut le rôle de tendre cette peau dans un cadre en bois que j'ai fait fabriquer par les ouvriers de l'hôpital. Et j’ai dessiné la carte, sous la surveillance du comte ! 

Un succès mérité

L'exposition fut un succès, à la mesure de l'enthousiasme de René.
Il y eut 10000 entrées entre les mois de mai et septembre 1967.
Elle contribua à propager les idées qu'il professait encore sur la fréquentation de Compostelle tout en commençant à s'interroger sur le nombre de pèlerins accueillis par les hôpitaux tels que Cadillac.

50 ans plus tard, la maquette retrouvée

Ayant beaucoup travaillé à partir du catalogue de cette exposition que René m'avait confié, j'ai longtemps rêvé de cette maquette représentative de l'architecture hospitalière médiévale. Lors d'un premier voyage en 2006, je l'avais cherchée en vain. Encouragée par le témoignage de Jacques Camel, j'ai reposé la question pour ce 400e anniversaire. Mais rien entre le mois de mars et le 2 juin.  Le matin de la conférence M. Bernadet pose la question à Eric Laporte qui répond immédiatement " Je sais où elle est. Mon père y a travaillé. Elle est suspendue au plafond de l'atelier de menuiserie ". Le jour même, Eric Laporte, aidé de sept collègues descend la maquette et passe sa journée de repos à la dépoussiérer. Grâce à lui elle est réapparue intacte, préservée par 50 années de poussière de bois. Elle finira sa vie au musée de l'hôpital dont une préfiguration très intéressante était présentée aux participants du colloque.
 
L'hôpital hors les murs
L'hôpital hors les murs