Institut recherche jacquaire (IRJ)

Le grand théâtre de Compostelle


Rédigé par le 5 Janvier 2012 modifié le 1 Février 2024
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Les chemins de Compostelle sont devenus comme une immense scène de théâtre sur laquelle d'innombrables acteurs jouent leur rôle. Cette scène privilégiée est le reflet de la grande scène du monde. Sur les chemins des marcheurs y vivent la tolérance, la fraternité, le respect comme d'autres le font dans d'autres collectivités.



De mutiples personnages

Marcheurs, pèlerins (vrais et faux – à ce que disent certains), saucissonneurs et grands marcheurs, récidivistes ou déçus, cyclistes ou cavaliers, ils sont les acteurs principaux, le plus souvent pour une seule représentation. Ils sont entourés d'un grand nombre d'autres aux spécialités de plus en plus variées et plus ou moins permanents : élus locaux et nationaux, journalistes, baliseurs, hospitaliers, écrivains et éditeurs (les grands de Paris et les petits – en général en province), responsables du tourisme, hôtes, hôteliers et restaurateurs, aménageurs, présidents et responsables d’associations, curés, religieuses et nouveaux évangélisateurs, chercheurs et étudiants, commerçants, tenanciers de camping, conservateurs et médiateurs du patrimoine, voyagistes, transporteurs et taxis, webmestres de sites professionnels, associatifs ou perso. Les acteurs majeurs doivent aussi être diversifiés selon leurs motivations et leurs convictions : croyants de toutes religions, agnostiques, … La liste est longue et la variété infinie, comme dans la vie.

Un décor auréolé d'un prestige immérité

Le livre qui montre l'imposture
Le livre qui montre l'imposture
Tous ces acteurs ont leur place dans ce spectacle aux actes multiples, toujours semblables et toujours différents. Manifestation permanente de la vie, théâtre ou jeu comme jadis les jeux du cirque, il se joue à longueur d’année sur les chemins de Compostelle. Cette scène a été honorée du titre de Patrimoine mondial de l’humanité. Pour la France cette désignation a été obtenue grâce à la complicité de l'UNESCO qui a fermé les yeux sur la présentation mensongère faite de sa décision.
Sous la pression de l’Espagne, l'action d’intellectuels français hispanisants à l’enthousiasme incontrôlé et parfois coupable a sacralisé ces chemins sur la base d’hypothèses erronées. L’origine de ces erreurs est dans une lecture trop rapide du dernier Livre du Codex Calixtinus faite à la lumière de la décision du pape Léon XIII de reconnaître en 1884 les restes de saint Jacques et de ses compagnons dans les ossements découverts en 1879 sous les pavés de la cathédrale galicienne.

Des embellissements douteux

A Garris (64), ce pèlerin a disparu, victime du passage d'un camion
A Garris (64), ce pèlerin a disparu, victime du passage d'un camion
Le décor du théâtre n’est pas immuable. De nouveaux chemins sont tracés, des ronds-points sont transformés souvent de façon affligeante par des artistes sans scrupules qui font miroiter aux maires l’obtention de subventions qui ne viennent jamais. Des associations de pèlerins qui se présentaient comme « amis de saint Jacques » sont devenues « amis des chemins de Saint-Jacques ». Certaines s’obstinent à vouloir  marquer ces chemins de clous de bronze dans les villes traversées par des itinéraires contemporains sans réalité historique. Montrouge où nous travaillons en est un exemple, illustré par deux articles du site. Ce souci des chemins fait souvent oublier des œuvres d’art héritées des cultes à saint Jacques dont la conservation n’est pas toujours assurée.

La marche pèlerine, base du scénario

A la base de tout scénario il y a la marche pèlerine qui n’est ni un jeu ni un spectacle. Le but en est sacré, partout dans le monde où des hommes et des femmes se mettent debout et marchent vers ce qui les dépasse. Le véritable patrimoine européen, ce sont les pèlerinages médiévaux. La Commission de la Culture du Conseil de l’Europe l’écrivait en 1984. Sa recommandation fut ensuite détournée vers le pèlerinage de Compostelle seul, pour des raisons politiques. Depuis, Compostelle a pris une place démesurée dans les pèlerinages médiévaux. Né dans l’imaginaire chrétien de l’Espagne médiévale il est devenu, en 1987, l’archétype du pèlerinage en Europe. Foi, idéologie, défense d’intérêts matériels ou hospitalité désintéressée ont été étroitement imbriqués dans toute son histoire. Il en est de même aujourd’hui.


Une image de la société

Ce théâtre est très privilégié par un traitement médiatique permanent inspiré par des années de publicité en sa faveur. Il est à l'image de la société qui l'a construite. On entend souvent dire que " Compostelle a fait l'Europe ". Certes les paroles de Jean-Paul II à Compostelle en 1982, invitant l'Europe à retrouver ses racines chrétiennes incitent à voir ces racines dans le courant pèlerin vers le sanctuaire galicien. Mais a-t-il été assez puissant pour qu'il soit possible de le prétendre ?
Par contre il apparaît clairement que l'Europe a fait Compostelle. Elle a officialisé l'histoire inventée en Galice. Elle a validé l'image du pieux pèlerin médiéval, modèle à imiter par le pèlerin contemporain. Il en a pris les attributs et les coutumes supposées à l'exclusion, le plus souvent, de la piété. Un argument de la mise en scène est de " mettre ses pas dans ceux de ces prédécesseurs. Il pèse aussi sur la définition de la scène : pas de goudron !
Ce théâtre est habité d'hommes et femmes aux intérêts parfois divergents et aux comportements les plus variés. Dans cette société le groupe des pèlerins est privilégié, le temps du spectacle. Tolérance, respect, fraternité règnent entre ces acteurs sur le chemin. Mais très vite après le tomber du rideau les sentiments de base de l'humanité refont surface.

Une cloche pour le lever de rideau

Un pèlerin, ayant fait une partie du chemin avait acheté une cloche dont il ne savait que faire. Il l'a offerte au Camino. Elle a été installée et bénie dans le jardin du Café du pèlerin.
Ainsi ceux qui veulent se mettre en scène sur le chemin pourront-ils sonner les 3 coups du lever de rideau.
Accéder à l'article de l'Eveil de la Haute-Loire en cliquant sur l'image