Institut recherche jacquaire (IRJ)

En hommage à l’abbé Bernès


Rédigé par Denise Péricard-Méa le 4 Octobre 2017 modifié le 23 Janvier 2024
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En 1973, l'abbé Bernès publiait le premier guide des chemins de Compostelle en Espagne. Dénommé rapidement " le Bernès ", il a été utilisé par tous les pèlerins francophones pendant une vingtaine d'année. Indispensable mais souvent irritant par les inévitables imprécisions de ses premières éditions.
Cet article reprend pour l'essentiel le témoignage de l'abbé Jacques Sévenet, qui a utilisé la première édition dès juillet 1973.



Les premiers pèlerins définissent un " bernès "

Couverure du guide utilisé en 1982
Couverure du guide utilisé en 1982
Une remarque, avant d'entamer la " geste des pieds ".
 
Retrouver l'ancien chemin du pèlerinage n'est pas une mince affaire car la lèpre du trafic routier ronge peu à peu les voies anciennes ; le patient travail de l'abbé Georges Bernès nous a permis de suivre au plus près le Camino francés de l'époque médiévale.

Pour simplifier les choses et l'auteur nous pardonnera cette familiarité, nous avons donné son nom aux multiples raccourcis qu'il propose dans son guide. Un " bernès " signifie donc un bout de chemin de terre qu'il faut trouver et ne pas perdre (ce qui n'est pas toujours aisé) car il est un élément de l'ancien chemin médiéval.

Les " bernès " sur la route de Jacques Sévenet

Après BURGETE, vers 15h30, premier affrontement sérieux avec le Bernès. Le gué à franchir humecte et ramollit les pieds tièdes et après ESPINAL, nous sommes obligés de nous contenter de la route.

LINZOAN, un bernès , délicatement saupoudré de conseils recueillis auprès des habitants du village, nous met sur le bon chemin qui serpente en grimpette légère entre les buis. Hélas, les sentiers, comme les fourmis, sont rarement seuls et se croisent en tous sens : carte, tergiversations, orientation par le soleil, radar nasal personnel tout est mis en œuvre et se termine par un farouche corps à corps avec les ronces et les épineux.

PAMPELUNE, après l’Université, un ravissant bernès nous mène à CIZUR MENOR, se fait ensuite quelque peu oublier dans les blés mais nous permet de découvrir avec quelques hésitations le hameau de GUENDULAIN.

A la sortie de PUENTE LA REINA, une fois dépassé le couvent, un bernès nous largue dans la nature et il faut remonter vers la route, jurant et pestant …

VENTOSA, le fourbi sur l’épaule, nous voici repartis, sous la pluie ; par un bernès dont l’herbe haute et mouillée contribue à l’imprégnation du pèlerin …

VILLAFRANCA, malgré les sages conseils de l’épicière, nous décidons de jouer la carte du Bernès et de monter tout droit dans la montagne à travers les chênes verts vers le col de Pedraja. Hélas, le résultat ne se fait pas attendre, le sentier est perdu en une demi-heure et l’affaire se termine piteusement dans un crapahut où pèlerins, ronces fougères et chênes rabougris se livrent un combat sans merci. Finalement nous rejoignons la route qui mène au col deux kilomètres seulement après Villafranca : beaucoup de temps et d’efforts pour pas grand-chose.

HORNILLOS DEL CAMINO, […] nous reprenons la montée, sûrs de nous-mêmes, du Bernès et de la direction. Mais au bout de quatre km, il devient tristement évident que le venin de l’erreur s’est infiltré dans notre progression. Le chemin s’interrompt dans la solitude désertique des champs de blé […] Le retour à la route, après la beauté du chemin est un peu pénible, je concentre ma grogne contre l’infortuné Bernès en lâchant quelques rafales de jurons bien sentis.

TRABAJO, un petit bernès nous conduit à VITGEN DEL CAMINO, un second bernès conduit à VALVERDE, puis à SAN MIGUEL …

SAN JUSTO, tâchant de suivre Bernès d’un œil et la cathédrale d’Astorga de l’autre, nous échouons dans le lit de la rivière et regagnons la route sans tambours ni trompettes.

MURIAS, un bernès doit nous éviter de nombreux kilomètres de route insipide. Chemin de rêve […] mais au bout de 2km l’enchantement cesse en même temps que le chemin. Obliquant à travers les bruyères, nous tombons sur une route forestière. Tout est silence et solitude. A quelques kilomètres des soldats nous renseignent. Nous sommes sur un chemin qui ne mène nulle part. Le village que nous cherchons nous est indiqué du geste. Piquant dans le vallon, nous débouchons à EL GANSO.

Le drame évité

AMBASMESTAS, arrêt à l’épicerie pour le ravitaillement, halte dont le souvenir est à jamais gravé dans mon esprit. En effet, 4 km plus loin, voulant consulter le Bernès, je frise l’infarctus … plus de guide dans la poche supérieure de mon sac ! Le laissant à la garde de mon compagnon, je rebrousse chemin jusqu’à Ambasmestas.
Ruisselant de sueur, serrant sur mon cœur le cher Guide qui pour nous maintenant n’a plus de prix, je rejoins mon compagnon au bord d’un ruisseau.